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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 23:46

 

 

Les champions trotteurs de légende en France

 

10 - Les années 1980 (Lurabo)

 

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Lurabo

 

 

 

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Lurabo

 

 

 

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Lurabo

 

 

 

Lurabo

 

Lurabo pulvérisait dans le Prix de France (1’13’’7) le record déjà fantastique de la jument américaine Classical Way (1’14’’2) et établissait un nouveau record du monde dans l’Elite Rennen de Gelsenkirchen, 1’14’’8 sur 2 500 mètres. Grâce à son fils Abo Volo, il devenait le second gagnant d’un Prix d’Amérique à avoir engendré un autre gagnant de Prix d’Amérique, le premier étant Passeport, père d’Amazone B et de Nébuleuse V.

Lurabo était par sa mère le « neveu » du grand Bellino II et défendait comme lui les couleurs (casaque rouge, écharpe blanche, toque grise) de son éleveur et propriétaire, Monsieur Maurice Macheret.

Son père, Ura, était le meilleur fils, au haras comme en courses, de la merveilleuse Gélinotte. Il avait donc de qui tenir d’autant qu’Ura était aussi le père d’Iris de Vandel, de Noble Atout, de Reine du Corta, et le grand-père d’Ourasi.

 

Son entraîneur Jean-Lou Peupion s’était fait connaître dans sa jeunesse comme lad attitré de la fameuse Une de Mai, avant de devenir l’un des meilleurs de sa profession, puisque outre Lurabo, Major de Brion, Minou du Donjon (cheval aux couleurs de son épouse), Nodesso, Ogorek, Pythagoras, Quarisso, Sébrazac comptaient aussi parmi ses élèves.

 

Cheval tardif, Lurabo avait mis un certain temps avant de rejoindre l’élite de sa génération. Avant lui, on avait eu le temps d’applaudir Lotus du Trèfle (Critérium des Jeunes), Larabello (Critérium des 3 ans), Lançon (Prix de Sélection, Critérium des 4 ans et Critérium Continental), L’Alezan, Lévorino (Prix du Fer d’Or à Helsinki), et un certain Lutin d’Isigny (Prix René Ballière 1982 aux dépens d’Idéal du Gazeau).

Sans parler des champions montés (Lacan, Loustic de la Tour, Le Loir).

Lurabo devait s’épanouir complètement durant l’année 1982, gagnant le Prix Jockey, le Critérium des 5 ans devant Lutin d’Isigny, et en fin d’année la Clôture du (premier) Grand National du Trot et le Prix Marcel Laurent.

Mais Lutin d’Isigny, qu’il avait battu dans le Critérium des 5 ans, prenait sa revanche sur lui dans le Prix de l’Etoile 1982.

Déjà second d’Idéal du Gazeau dans le Prix d’Amérique 1983 (précédant Lutin d’Isigny), il entrait dans la légende durant l’année 1984 en gagnant coup sur coup : le Prix de Bourgogne (décembre 1983), le Prix de Belgique, le Prix d’Amérique (en 1’17’’ devant Jorky), le Prix de France (record 1’13’’7), le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur, le Prix de l’Atlantique à Enghien, le Grand Prix du Sud-Ouest, l’Elite Rennen (record mondial 1’14’’4). Une série victorieuse demeurée unique dans les annales du trotting. Malheureusement, s’étant esquinté les suspenseurs, il tomba boiteux et ne put se montrer à la hauteur de sa réputation dans le Championnat du Monde à New York, où il dut céder le pas à son grand rival Lutin d’Isigny.

Ce magnifique alezan très athlétique courait tout en puissance, prenant le train à sa charge pour imposer son rythme et user ses adversaires ainsi. Mais il était lui-même victime de sa propre force, de sa façon de trotter, et ne devait jamais s'en remettre vraiment, ayant contracté de grosses molettes suite à une entorse mal soignée avec de la cortisone.

Courant diminué et plus ou moins blessé le Prix d’Amérique 1985, après avoir fait illusion un instant pour la victoire, il dut se contenter d’une cinquième place derrière Lutin d’Isigny, Mon Tourbillon, Minou du Donjon, Major de Brion, et ne parvenait pas à se qualifier pour le Prix d’Amérique 1986, que remportait Ourasi, notre nouvelle gloire nationale.

Il se distingua dès lors au haras, en produisant les bons vainqueurs Vaflosa Gédé, Vroum d’Or, et surtout le champion Abo Volo, qui offrait à Albert Viel son premier Prix d’Amérique quelques jours avant sa mort, et permettait à Lurabo de devenir, après Passeport, le deuxième gagnant de Prix d’Amérique, père d’un autre gagnant de Prix d’Amérique.

 

Lurabo était né le 15 avril 1977 chez Maurice Macheret, à Vetraz-Monthoux près d’Annemasse, au-dessus du lac Léman en Haute-Savoie, de l’union d’Ura, grand étalon, et de Quelle Boum C, une sœur du fameux Bellino II.

Lurabo est un magnifique alezan, avec une belle tête, soulignée d’une liste. C’est à sa beauté qu’il doit son nom : (Lurabo étant la contraction de L’Ura Beau), ainsi que deux titres de premier au concours de modèle.

 

Maurice Macheret appartient à ce clan très fermé des petits éleveurs heureux pour avoir fait naître un Bellino II et un peu moins de 10 ans après, un Lurabo.

Comme son glorieux aîné, Lurabo va donc bénéficier de l’air sain de la montagne, des longues promenades sur les versants alpins et se consolider ainsi un physique d’athlète particulièrement puissant, avec René Sala, l’homme qui fut déjà le soigneur du grand Bellino. Il ne semble pas pressé de se faire un nom sur les champs de courses.

A l’âge de 2 ans, il ne court que deux fois à Lyon, sans succès.

A 3 ans, il remporte une petite victoire en nocturne à Vincennes, dans le Prix Draco (2 750 mètres), en 1’21’’6, mené par Jean-René Gougeon, qui accepte de le piloter par amitié envers Maurice Macheret et en souvenir de Bellino II.

 

En 1981, à 4 ans, il préfère s’illustrer dans les prix de série plutôt que de suivre la voie classique. Il gagne ainsi le Prix de Gontaud (groupe B 2750 m) en 1’21’’4, le Prix Aristulus (2 750 m) en 1’20’’8, le Prix Peitho (2 150 m) en 1’20’’7, le 18 mai à Vincennes. Mais il est disqualifié dans le Prix de l’Artois (2 300 m) le 2 juillet.

Il renoue avec la victoire le 20 août dans le Prix de Savoie (2 600 m), un prix de circonstance, évoquant la Savoie en hommage à Bellino II ou à lui-même, qu’il remporte en 1’20’’6, avec autorité devant Lys de Brion, Lornado et Larchamp. Puis dans le Prix de Vimoutiers (2 625 mètres), il porte son record à 1’19’’4, toujours mené par Jean-René Gougeon, pour battre Lorival, Lys de Brion, Lino Mabon…

 

C’est en 1982, à 5 ans, qu’il va s’épanouir pleinement pour gravir les échelons, qui feront de lui le chef de file de sa génération, une génération particulièrement riche en sujets de valeur. Le 28 janvier dans le Prix de Verdun (2 250 m), Lurabo franchit à nouveau en vainqueur le poteau d’arrivée en 1’18’’8 devant Liane, Laeticia.

D’autres succès vont suivre avec le Prix de Vizille (2 250 m) le 25 février, établi en 1’17’’1, devant Lory, le Prix Jean Cabrol (2 250 m) le 22 avril, qu’il remporte en 1’17’’6, de justesse devant L’Agathe, que mène Jean-René Gougeon pour le comte Pierre de Montesson.

Ces trois derniers succès de Lurabo sont aussi à mettre à l’actif de son nouvel entraîneur, le jeune et prometteur Jean-Lou Peupion, qui vient de s’installer à Grosbois, et de « Minou » (Michel-Marcel) Gougeon, le frère  de Jean-René, qui a ainsi pris le relais de son aîné, pour mener à la victoire celui qui sera l’un des chevaux de sa vie après Fandango et Toscan.

Suite à ce nouveau succès de Lurabo, on parle sérieusement de lui faire disputer le classique Critérium des 5 ans, qui représente le couronnement des meilleurs trotteurs de cet âge à l’attelage. Mais le Grand National du Trot, sorte de tour de France des trotteurs, une innovation de l’année 1982, intéresse aussi l’entourage de Lurabo. Pour cela il s’en va tenter sa chance à Toulouse, à l’occasion du Grand Prix de Toulouse (2 700 m), disputé le 19 mai, qu’il remporte en 1’19’’4, devant King Black 1’19’’5.

Ce premier succès de Lurabo dans le Grand National du Trot en appelle un autre cette fois sur l’hippodrome de Lyon-Parilly avec le Grand Prix de Trot de Lyon (2 700 m), le dimanche 6 juin 1982. Lutin d’Isigny et Jézabel d’Ouches sont aussi présents mais avec la lourde tâche de rendre 25 mètres à Lurabo et à King Black, le meneur de ce nouveau challenge, qui a remporté la première étape disputée à Marseille, le Grand Prix de Printemps (2 700 m), sur l’hippodrome du Parc Borely.

King Black, une fois de plus, va contester la victoire à Lurabo, jusqu’au poteau d’arrivée, qu’ils franchissent pratiquement dans la même battue pour faire afficher chacun une réduction kilométrique de 1’18’’2, alors que Lutin d’Isigny est un bon troisième en 1’17’’9.

Ce succès est suivi d’un autre acquis en 1’18’’6 dans le Prix Gudrun (2 150 m) le 23 juillet en nocturne à Vincennes, avant que Lurabo ne s’attaque enfin aux meilleurs de sa génération, à l’occasion du Prix Jockey (2 250 m), une épreuve continentale et une étape importante sur la voie qui mène au classique Critérium des 5 ans. Ils sont huit au départ et L’Alezan, en raison de ses titres, les plus flatteurs, est logiquement le favori. Mais il est tout de suite contré par Lurabo, qui ne lui permet jamais de prendre le commandement des opérations, pour s’imposer très facilement en 1’17’’6. L’Alezan conserve aussi facilement la deuxième place, mais Le Loir, au galop, concède la troisième à Lévorino, devant Lory.

Lurabo a franchi un cap lui ouvrant la voie du Critérium des 5 ans et peut-être aussi celle du Prix d’Amérique.

Les quatre victoires consécutives de Lurabo, dont l’une (la dernière) acquise dans le Prix Jockey, incitent les parieurs à en faire le favori du Critérium des 5 ans, devant Lançon, absent des pistes depuis six semaines, Lutin d’Isigny, régulier mais plus souvent placé que gagnant, et Larabello, doué mais fantasque et imprévisible.

 

Le Critérium des 5 ans (3 000 m) se dispute le samedi 25 août 1982.

Enervé par les présentations et le défilé qui précèdent les courses de cette importance, Larabello part à la faute, puis, une fois remis dans les bonnes allures, se met à tirer comme un fou pour rejoindre Lurabo, qui selon son habitude a pris aussitôt tête et corde afin d’imprimer son rythme. Viennent ensuite Lévorino, Lutin d’Isigny, Lançon, Lindsey, La Bourrasque. L’allure est très rapide et Lévorino cède le premier dans le haut de la montée, tandis que Lurabo, Larabello, Lutin d’Isigny abordent dans cet ordre le dernier tournant. Dans la dernière ligne droite, la supériorité de Lurabo se fait éclatante, alors que Larabello, puis Lançon cèdent à leur tour. Lutin d’Isigny s’accroche, et Lindsey, auteur d’une belle remontée après quelques difficultés pour trouver le passage, vient se mêler à la lutte.

Jusqu’au bout, Lurabo contient aisément l’attaque de Lutin d’Isigny, puis celle de Lindsey, pour remporter, dans le temps excellent de 1’19’’, sa première victoire classique.

Le samedi suivant, Lurabo remet son prestige en jeu à l’occasion du classique Prix de l’Etoile (2 275 m). Mon Tourbillon, le champion de la génération des « 4 ans » est le seul « M » à oser relever le défi de cinq « 5 ans » à départ égal. Mais il part au galop, s’éliminant de lui-même. Lurabo aussi est parti sur une faute, ce qui est malheureusement son point faible. Il a concédé un terrain appréciable à Lutin d’Isigny, son plus dangereux rival, bien décidé à prendre sa revanche. Dès lors, Lurabo entame une poursuite infernale derrière Larabello et Lutin d’Isigny, les plus véloces au départ. L’allure n’est pas trop rapide, ce qui permet à Lurabo de rejoindre les échappés en haut de la montée, à l’endroit précis où justement Larabello commence à céder. Lurabo parvient à la hauteur de Lutin d’Isigny et les deux rivaux se livrent bientôt un duel acharné tout le long de la ligne droite. Et il faut avoir recours à la photo d’arrivée pour les départager. On sait ainsi que Lutin d’Isigny l’a emporté d’extrême justesse devant son grand rival. Tous les deux font afficher une réduction de 1’16’’4.

Le 1er octobre 1982 permet de revoir ensemble Lurabo et Lutin d’Isigny dans le Prix Eunomia (2 150 m), que Lutin d’Isigny remporte à nouveau devant son rival mal parti.

 

Le jeudi 9 décembre 1982 est jour de fête, à Vincennes, où les provinces ont rendez-vous pour célébrer la Clôture du (premier) Grand National du Trot (2 600 m).

C’est l’occasion de revoir ensemble Lurabo et Lutin d’Isigny, et d’assister aussi au couronnement du nouveau roi, King Black, premier vainqueur de ce Grand National du Trot. Ces trois héros du jour ne vont d’ailleurs pas décevoir leurs nombreux admirateurs, en s’octroyant les trois premières places de cette épreuve, qui a été choisie comme support du quarté. A mi-ligne droite, Lurabo impérial se détache de Lutin d’Isigny pour s’envoler vers la gloire. King Black, plus teigneux que jamais, est venu tout à la fin ravir la deuxième place au courageux Lutin d’Isigny. Jarnibleu est un bon quatrième, devant Jeannette d’Udon, excellente elle aussi. Lindsey se classe ensuite devant Jarnaud, Joyau du Marais, Kapulco, Jézabel d’Ouches. Larabello lui a perdu la cinquième place après enquête.

Lurabo a fait afficher 1’18’’3, King Black et Lutin d’Isigny 1’18’’4, Jarnibleu 1’18’’5, Jeannette d’Udon et Lindsey 1’18’’7, Jarnaud 1’18’’8.

 

Lurabo va conclure l’année1982 avec le Prix Marcel Laurent (2 250 m), le lundi 27 décembre, qu’il remporte en 1’17’’5 devant le jeune Mon Tourbillon.

Une deuxième place derrière Katinka dans le Prix de Belgique (2 600 m), dernière répétition avant l’épreuve suprême, le dimanche 16 janvier 1983, va faire de Lurabo l’un des chevaux les plus en vue dans ce Prix d’Amérique 1983, un des plus aptes à faire trembler la couronne d’Idéal du Gazeau, le champion quelque peu vieillissant.

En l’absence de Jorky, de celle  d’Hymour, le tenant du titre, de celle de Jiosco, son dauphin plus surpris que battu dans l’édition 1982, Lurabo et Lutin d’Isigny semblent les plus aptes à fournir l’opposition au favori Idéal du Gazeau dans ce Prix d’Amérique 1983.

Mais on peut parler aussi des chances du jeune Mon Tourbillon seul « 5 ans » français au départ, de celles de Lançon lui aussi retrouvé, ou encore de King Black, le héros du premier Grand National du Trot, qui vient de renouer avec la victoire à Cagnes-sur-Mer, dans le Prix de la Côte d’Azur.

Idéal du Gazeau lui-même, sixième du Prix de Bourgogne, septième du Prix de Belgique, maintenant âgé de 9 ans, n’est pas un favori très convaincant. Serait-ce la fin d’un règne ? Il est vrai qu’avec deux titres de champion du monde et déjà une victoire dans le Prix d’Amérique 1981, il n’a plus grand-chose à prouver, mais peut-être a-t-il décidé de sortir par la grande porte.

Ianthin s’élance en tête, dans un style parfait, comme il aime à le faire. Il est suivi de très près par Lurabo, alors qu’on dénote les fautes au départ d’Ino Ludois, de Kapulco et du cheval suédois Al Joe. Pour passer devant les tribunes, Ianthin et Lurabo mènent devant Igor du Beauvoisin, Idéal du Gazeau, Katinka, Lutin d’Isigny, Kaiser Trot, King Black. Les positions sont sensiblement les mêmes en plaine.

Dans la montée, Lurabo passe seul en tête, légèrement détaché d’Ianthin, que suivent Lutin d’Isigny, Katinka, Idéal du Gazeau, Kaiser Trot et Khali de Vrie. Lurabo commence à imposer une cadence plutôt rapide. Les choses sérieuses ont commencé.

Lurabo mène toujours à vive allure dans le dernier tournant, mais il est surveillé de très près par Lutin d’Isigny, Khali de Vrie, La Bourrasque, Katinka et Lançon, qui progressent dans cet ordre. Idéal du Gazeau commence à se rapprocher à l’extérieur. La foule s’agite, l’encourage. La tension monte dans les tribunes. Lurabo est toujours en tête, bien calé à la lice, à la sortie du dernier virage, et à l’entrée de la ligne d’arrivée. Les clameurs se font entendre. Idéal a rejoint Lurabo en tête. Il le passe, irrésistiblement. Lurabo doit s’incliner. Idéal du Gazeau est toujours le plus fort. Pas si sûr. Lurabo lui résiste, le pousse dans ses derniers retranchements. Idéal cafouille, se trompe quelque peu, esquisse un, deux, trois petits changements de jambes. Mais le poteau est franchi : Idéal a gagné.

Pas encore sûr. La sirène retentit. On annonce une enquête sur les allures du petit cheval noir dans la dernière phase du combat, alors que les jeux sont faits.

L’angoisse se lit sur les visages de certains spectateurs. D’autres vieux teigneux réclament l’élimination d’Idéal du Gazeau. Le cheval de Pierre-Jean Morin n’est-il plus si populaire ? Derrière Idéal du Gazeau premier (pour l’instant), se sont classés Lurabo, brillant deuxième pour son premier Prix d’Amérique, Lutin d’Isigny, troisième irréprochable lui aussi. Puis viennent King Black, le héros du Grand National, Lançon, honorable cinquième, Katinka, Mon Tourbillon, Snack Bar, Kaprius (le vainqueur du « Cornulier »), Keystone Patriot. Iantin, un peu décevant, a faibli sur la fin.

Ino Ludois et Khali de Vrie ont été disqualifiés. Mais on attend la décision des juges en ce qui concerne Idéal du Gazeau. Va-t-il être maintenu ? Sera-t-il lui aussi éliminé ? La décision est difficile à prendre. Tout Vincennes est dans l’expectative.

Finalement, l’arrivée est maintenue ; le dimanche 30 janvier 1983, Idéal du Gazeau a gagné le Prix d’Amérique pour la deuxième fois.

Eugène Lefèvre a expliqué la « faute » de son cheval dans la ligne droite : en voulant allez trop vite, alors qu’il n’était pas encore bien droit, il est parti sur la mauvaise jambe, sans commettre l’erreur répréhensible, car il a pu le remettre à temps dans les bonnes allures. Mais on peut se demander si un cheval moins populaire n’aurait pas été disqualifié en pareil cas.

 

Lurabo fait l’impasse sur le Prix de France (2 100 m), disputé par temps de pluie le dimanche 6 février 1983.

On le revoit au départ du Prix de Paris (3 150 m) le dimanche 13 février, dans lequel il partage la position de favori avec Katinka. Il s’y montre décevant, laissant la victoire à sa rivale, qui s’impose en 1’18’’5, devant Lutin d’Isigny, Lançon, Kaiser Trot…

 

Lurabo tente sa chance huit jours plus tard dans le classique Prix de Sélection (2 275 m), une course-poursuite, dans laquelle les « 5 ans », Mon Tourbillon, Minou du Donjon, et les « 6 ans », Lurabo, Lapito, Lutin d’Isigny et Lançon ont 50 mètres à rendre aux « 4 ans » Nursingo et Nuit d’Azeray. Tâche que Lapito a su mener à bien le 12 février dans le Prix des Centaures (2 275 m), l’équivalent au trot monté de ce Prix de Sélection. Alors que Lurabo, à la faute, est disqualifié, Mon Tourbillon s’impose de justesse en 1’16’’3, devant Lutin d’Isigny (1’16’’4), Minou du Donjon (1’16’’5), Lançon (1’16’’6), Nuit d’Azeray, Nursingo. Lapito, lui aussi fautif, est également éliminé.

 

Cheval compliqué, fautif, Lurabo a bien déçu en fin de meeting. Il est mis au repos quelque temps, avant de reprendre l’entraînement, et de repartir enfin sur de nouvelles bases.

Il fait sa rentrée à Bordeaux, dans le Grand Prix du Sud-Ouest (2 450 m) le 24 avril et se contente d’une honnête quatrième place derrière Ianthin, Idéal du Gazeau et Spice Island.

Lurabo retrouve ses grands rivaux Mon Tourbillon et Lutin d’Isigny le 31 juillet 1983 dans le Prix d’Europe (2 800 m), couronnement du festival d’été à Enghien.

Derrière Lutin d’Isigny 1’18’’9, Ejnar Vogt 1’19’’6, Mon Tourbillon 1’19’’, Lurabo est un honorable quatrième en 1’19’’2, vu qu’il n’a pas couru depuis le 24 avril 1983.

 

Lurabo renoue enfin avec la victoire le dimanche 14 août 1983 à Enghien, dans le Prix de Buenos-Aires (4 000 m), qui le voit rendre 75 mètres aux chevaux du premier poteau pour s’imposer en 1’20’’4 sur 4 075 mètres, devant Le Loir (1’20’’5), Kasai Bill (1’22’’1), Casino Hedevang (1’21’’6), Khali de Vrie (1’20’’7), Kidy (1’21’’8), Jealon, Kapulco…

C’est à Lisieux que Lurabo signe sa deuxième victoire de l’année, dans le Prix Roger Céran-Maillard (2 725 m), qu’il remporte en 1’20’’7, devant Luron de la Tour, Kémilla, La Bourrasque, Kimako, Meutac.

 

Le Prix du Bourbonnais (2 600 m), disputé le samedi 17 décembre 1983, a retenu un plateau de rêve puisque Jorky, Lurabo, Mon Tourbillon, Minou du Donjon, Khali de Vrie, Lançon, King Black, Kaiser Trot et quelques autres sont au départ. Il ne manque que Katinka et Lutin d’Isigny, qui souffre d’une blessure. Il est le grand absent de ce Prix du Bourbonnais, dans lequel Jorky, le plus riche, est le seul à rendre 25 mètres.

Khali de Vrie, déjà lauréate du Prix de Bretagne, profite de sa grande forme pour s’imposer à nouveau devant un inattendu L’Alezan, qui lui conteste la victoire jusqu’au poteau qu’ils franchissent dans la même battue, faisant tous les deux afficher la même réduction kilométrique de 1’18’’5.

Lurabo (1’18’’6) est troisième tout près, devant Minou du Donjon et Mon Tourbillon.

 

Avec Lurabo et Minou du Donjon, Jean-Lou Peupion semble posséder deux bons atouts pour le prochain Prix d’Amérique, comme va le confirmer le Prix de Bourgogne (2 250 mètres) disputé le samedi 31 décembre, le dernier jour de l’année 1983. Ce Prix de Bourgogne, troisième épreuve préparatoire au Prix d’Amérique, a retenu 11 participants, parmi lesquels Lurabo fait figure de favori devant Khali de Vrie, Mon Tourbillon et un L’Alezan tout récemment revenu à son meilleur niveau. Mais on peut aussi se méfier de Katinka et de Lançon. Kagelo, Lapito et Larabello complètent le lot avec La Bourrasque et Madone.

Larabello est le mieux parti pour imposer d’emblée un rythme très rapide. Lurabo le rejoint en plaine pour accélérer dans la montée et prendre résolument le commandement dans le dernier virage. Il entame seul en tête la dernière ligne droite, ralentissant de lui-même, car il doit être surpris de se retrouver tout seul en cet endroit. Mais Michel-Marcel Gougeon lui fait comprendre que la course n’est pas finie, et Lurabo repart aussitôt pour franchir en vainqueur le poteau d’arrivée. Loin derrière, ses rivaux se battent désormais pour les places. Larabello, pour conserver la seconde, résiste héroïquement au retour offensif de Mon Tourbillon, qui est donc un bon troisième devant Khali de Vrie, Lançon, Katinka, L’Alezan, Madone, La Bourrasque et Kagelo. Lapito fautif a été disqualifié.

Sans forcer son talent, Lurabo, irrésistible et impérial, a trotté sur le pied de 1’15’’9.

Ce jour-là, il entre dans une autre dimension et ne va pas tarder d’être qualifié « d’Extra-terrestre ». On parle déjà de lui comme le favori du Prix d’Amérique 1984. Mais il n’a pas fini de nous étonner.

 

Le 15 janvier 1984, jour du Prix de Belgique, est un jour de vérité pour les 20 chevaux au départ de cette grande course, dernière répétition avant le Prix d’Amérique, à l’exception des trotteurs polyvalents, qui visent aussi le « Cornulier ».

En raison de leurs gains élevés, les six plus riches : Jorky, Diamond Exchange, Snack Bar, Lutin d’Isigny, Kaiser Trot et Mon Tourbillon ont 25 mètres à rendre à leurs quatorze adversaires, dont Lurabo, le grandissime favori, qui s’annonce plus fort que jamais, son compagnon d’entraînement Minou du Donjon, lui aussi en grande forme, la belle Katinka. Micado C, le vainqueur du Grand Prix des Nations (2 100 m) à Milan et plus récemment du Prix Gaetano Turilli (2 100 m) à Rome a aussi ses chances, tout comme Khali de Vrie, Larabello et L’Alezan. A noter également, la présence de Speedy Magnus, le vainqueur du Grand Prix de Finlande (éliminatoire et finale sur 1 600 mètres).

Au second poteau, Lutin d’Isigny semble le plus apte à jouer un grand rôle dans cette course. Mais Lurabo est déjà pour tous le cheval à battre ! Il ne doit pas décevoir ses nombreux admirateurs. Jean-Lou Peupion a renforcé son tandem Lurabo – Minou du Donjon, en leur associant un troisième trotteur, d’origine suédoise celui-là, Lass Quick. Le résultat va dépasser ses espérances.

Le beau temps est aussi au rendez-vous en ce dimanche 17 janvier, à huit jours du Prix de Cornulier, et à quinze jours du Prix d’Amérique, le 29 janvier. Après 500 mètres de course, Lurabo est déjà en tête, pour imprimer un train très soutenu. Spice Island est là aussi, suivi de Lançon côté corde, Katinka, Minou du Donjon et Lass Quick.

Larabello, gêné au départ, se rapproche maintenant après avoir perdu beaucoup de terrain. Micado C, Snack Bar et Diamond Exchange sont partis à la faute. Diamond Exchange, retardé, est contraint de trotter tout le parcours cinquante mètres environ derrière les autres. Dans la descente, Mon Tourbillon et Lutin d’Isigny se sont heurtés quelque peu.

Lutin reste sage, mais Mon Tourbillon furieux fait un violent écart sur la droite et finalement éclate, gênant ainsi Snack Bar ayant refait beaucoup de terrain après sa faute. Sa croupière s’étant cassée, il se désunit à nouveau. Jorky est lui aussi malmené à cet instant.

Au poteau du dernier kilomètre, Larabello, qui a besoin d’argent pour être maintenu au départ du Prix d’Amérique, s’efforce d’accompagner Lurabo en tête. Tous deux mènent de front devant Spice Island et Minou du Donjon.

Dans le dernier tournant, Minou du Donjon rejoint Lurabo en tête.

A ce moment-là, Micado C lance une attaque foudroyante tout à l’extérieur.

Un moment, à mi-ligne droite, Minou du Donjon tente de prendre le meilleur sur Lurabo. Mais le fils d’Ura, afin de lui montrer qui est le chef, redémarre de plus bel pour s’envoler impérial et franchir en vainqueur le poteau d’arrivée.

Minou du Donjon se contente donc d’une magnifique deuxième place, et Lass Quick vient parachever le triomphe des « Peupion » en prenant la troisième.

Lurabo a affiché tant de supériorité, tant de désinvolture, qu’il devient à coup sûr le grandissime favori du Prix d’Amérique, le dimanche 29 janvier.

Larabello se classe quatrième devant Lançon, Lutin d’Isigny (le premier du second poteau), L’Alezan, Micado C et Speedy Magnus.

Lurabo fait afficher 1’18’’, Minou du Donjon 1’18’’1, Lass Quick 1’18’’3, Larabello 1’18’’4, Lançon 1’18’’5, Lutin d’Isigny 1’17’’8 (le meilleur temps), L’Alezan 1’18’’7.

On vient déjà d’avoir un avant-goût de ce que sera le prochain Prix d’Amérique.

 

Et puis vient le jour « J », le dimanche 29 janvier 1984, jour de ce 64e Prix d’Amérique, alors que Kaiser Trot, le champion incontestable des trotteurs montés, vient de remporter son troisième Prix de Cornulier le dimanche précédent.

Autre surprise de taille, la présence sur la cendrée de Vincennes d’Idéal du Gazeau revenu spécialement de Suède pour ouvrir le défilé du Prix d’Amérique en compagnie de son fidèle Eugène Lefèvre, « Gégène » pour les intimes ou les inconditionnels d’Idéal.

L’ovation que leur réserve le public de Vincennes donne chaud au cœur, et Lurabo va avoir fort à faire pour battre Idéal à l’applaudimètre.

Idéal du Gazeau, resplendissant comme un astre, sous la conduite d’Eugène Lefèvre, emmène donc derrière lui les 18 concurrents de ce Prix d’Amérique 1984.

Jacques Pauc dans Paris-Turf a choisi Lurabo, Minou du Donjon, puis Lutin d’Isigny, Jorky et Mon Tourbillon comme favoris.

Ces noms déjà illustres reviennent bien sûr dans les pronostics de presque toute la presse hippique. Mais avec Lurabo et Minou du Donjon, Jean-Lou Peupion semble posséder les deux atouts majeurs pour remporter ce Prix d’Amérique. Et cela est presque incroyable pour un jeune entraîneur de 38 ans à peine confirmé.

Derrière ces deux-là, les noms de Lutin d’Isigny (meilleur temps dans le Prix de Belgique), Mon Tourbillon (co-leader de sa génération avec Minou du Donjon), Jorky (le cheval le plus riche et le plus titré du lot) s’imposent d’eux-mêmes.

Le traditionnel défilé nous permet donc d’admirer pour la dernière fois sans doute le populaire Idéal du Gazeau, chaudement applaudi par la foule, tout comme les héros du jour : Lurabo, Minou du Donjon, Mon Tourbillon, Kaiser Trot, triple vainqueur du « Cornulier », Lutin d’Isigny, et enfin Jorky, tous les « chevaux vedettes » de ce Prix d’Amérique.

Après les canters indispensables pour détendre ou échauffer ces magnifiques athlètes que sont les trotteurs, les dix-huit concurrents rejoignent l’aire du départ au signal convenu.

Lurabo, merveilleusement affûté, est le mieux parti aux élastiques, se retrouvant vite en tête pour imposer son rythme. Larabello essaie de lui voler la politesse en partant comme une fusée, mais il se trompe dans ses allures. Diamond Exchange, comme on s’y attendait, part lui aussi à la faute. Il est d’ailleurs imité par Keystone Pursuit, qui gêne Minou du Donjon, le grand malchanceux de ce Prix d’Amérique.

Jorky s’intéresse très tôt au débat, en prenant rapidement une bonne place. On s’aperçoit alors qu’il est dans un grand jour et prêt à jouer son rôle de champion dans ce Prix d’Amérique. Bientôt tous les principaux acteurs se retrouvent en tête pour défendre chèrement leur chance. Lurabo mène, bien calé à la corde, en compagnie de Lutin d’Isigny venu se mêler à la lutte. Jorky trotte à l’extérieur. Kémilla, beaucoup plus inattendue, est là aussi, avec L’Alezan, Spice Island derrière Lurabo et Mon Tourbillon, tous assez près les uns des autres.

A ce moment-là, Larabello surgit dont ne sait où, tel un diable, à une vitesse à peine croyable. Le trotteur américain Diamond Exchange cherche aussi à se rapprocher en forçant l’allure sans pour autant égaler le partenaire de Philippe Allaire. Quant à Snack Bar, il est en plein galop dans la descente. Larabello rejoint par l’aile extérieure le groupe de tête que forment Lurabo, Lutin d’Isigny et Jorky. Léopold Verroken ralentit un peu Jorky dans la montée, juste avant le virage, sans doute pour lui éviter de se retrouver nez au vent. Mais certains ont dit que c’est là qu’il perdit la course.

A cet instant, il y a un remous dans le peloton et Mon Tourbillon gêne Minou du Donjon, qui concède encore du terrain.

En tête, Lurabo ne mollit pas mais au contraire conduit le bal à un rythme d’enfer. Il durcit la course au maximum, ce qui est son rôle, pour lui la meilleure façon de l’emporter.

Lutin d’Isigny est encore là, mais cette fois avec Larabello sur son flanc. Kaiser Trot est maintenant en quatrième épaisseur, à la place de Jorky. Spice Island trotte à la corde en compagnie de Lass Quick. Mon Tourbillon vient de s’échapper du peloton. Kémilla reste en bonne place, juste derrière les premiers qu’elle s’applique à suivre de son mieux.

C’est à l’intersection des pistes que Kaiser Trot commet l’irréparable, la faute que l’on attendait depuis le début. Obligé de s’écarter, il ouvre ainsi la voie à Jorky, qui s’élance à l’attaque de Lurabo d’autant mieux que Larabello commence à céder.

Mon Tourbillon tente de suivre Jorky.

Voyant Jorky se rapprocher dangereusement de lui, Michel Gougeon relance Lurabo, qui repart au quart de tour. En fait, c’est Jorky que « Minou » Gougeon redoute le plus ; l’ayant vu fondre sur lui dans un style impressionnant, il a eu un moment de frayeur (avouera-t-il par la suite). Mais Lurabo a encore des réserves, assez pour résister à toutes les attaques d’un Jorky extraordinaire de courage. Les deux champions nous offrent un magnifique spectacle, un duel au sommet que l’on n’est pas prêt d’oublier.

Pourtant, Jorky ne parvient pas réellement à inquiéter Lurabo, qui franchit en vainqueur le poteau d’arrivée de ce magnifique Prix d’Amérique, en ce dimanche 29 janvier 1984.

A un peu moins d’une longueur de Lurabo, à sa croupe ou sa hanche, Jorky s’octroie une héroïque deuxième place. Et la surprise vient de Kémilla, déjà troisième du « Cornulier » une semaine plus tôt, qui contre Mon Tourbillon pour la troisième place.

Viennent ensuite Lutin d’Isigny ayant faibli sur la fin, Minou du Donjon bien revenu après ses malheurs, Keystone Pursuit, Lançon, L’Alezan, Lass Quick…

Le temps excellent de 1’17’’, que fait afficher Lurabo (deuxième meilleur temps de la course après les 1’16’’9 de Grandpré, égalé par Hymour et Jiosco) en dit long sur la valeur des deux premiers et de ce que fut leur duel, d’autant que Jorky est crédité de 1’17’’1.

Nul doute qu’ils auraient pulvérisé le record si la piste avait été moins collante.

 

Pour Michel-Marcel « Minou » Gougeon, en tant que driver, c’est la deuxième victoire dans le Prix d’Amérique, après celle de Toscan en 1970, comme il devait le rappeler lui-même après la course, tout en avouant qu’il y croyait plus avec Lurabo qu’avec Toscan.

 

Le dimanche 5 février 1984, Lurabo remet courageusement son prestige en jeu dans le Prix de France (2 100 m) avec départ à l’autostart, ce qui ne manque pas d’intéresser les spécialistes comme Micado C, l’un des grands absents du Prix d’Amérique, Diamond Exchange ou Speedy Magnus également écarté du Prix d’Amérique en vue du Prix de France.

Le défilé vaut une incroyable ovation à Lurabo, mais aussi à Jorky, qui ne fut jamais aussi acclamé qu’en ce jour où il se produit à Vincennes pour la dernière fois, ce que tous ignorent à ce moment-là.

Lurabo et Jorky, les deux héros du Prix d’Amérique sont d’ailleurs les favoris de ce Prix de France 1984. Mais on se méfie aussi du trotteur suédois maintenant entraîné en France, Micado C, dernier vainqueur du Grand Prix des Nations à Milan, qui vient de renouer avec la victoire dans le Prix de la Marne (2 250 m), le 2 février, et de Minou du Donjon, le grand malchanceux du Prix d’Amérique, dont on attend la légitime revanche.

Un record à battre, celui de Classical Way établi en 1’14’’2 dans le Prix de France 1981, mais égalé depuis par Ianthin dans le Prix René Ballière 1983. Or, vu ce que Lurabo et Jorky viennent de faire dans le Prix d’Amérique, 1’17’’ et 1’17’’1, sous la pluie et sur une piste devenue collante, il y a fort à parier que ce record sera battu si le temps s’y prête.

Autres chevaux à surveiller, Mon Tourbillon, le tenant du titre, un pur sprinteur, et Lutin d’Isigny, toujours à la recherche d’une victoire.

Les places derrière l’autostart ont avantagé Lurabo, au contraire de Jorky mal placé à l’extérieur et surtout Minou du Donjon obligé de partir en deuxième ligne.

Il y a 15 partants au départ de ce Prix de France 1984, le lot étant complété par Snack Bar, dont on se méfie également, Keystone Pursuit, Kémilla, Ludo du Chignon, Major de Brion, Casino Hedevang, et Khali de Vrie.

Et, en ce dimanche 5 février 1984, le beau temps est revenu sur Vincennes !

Lurabo, nullement éprouvé par sa performance du dimanche précédent, est dans un état resplendissant ; tout est donc propice à un exploit incroyable, celui que le fils d’Ura nous réserve, un exploit qui fera date dans les annales du trotting…

Le célèbre coach-driver américain Billy Haughton fait prendre à Diamond Exchange un départ volant derrière l’autostart. Il va ainsi grandement contribuer à ce record fantastique de 1’13’’7, que signe Lurabo en franchissant le poteau en vainqueur.

Le trotteur américain dévale la descente en moins de 1’12’’ pour prendre aussitôt la tête, suivi de Lutin d’Isigny. Ce départ ultra rapide surprend Lurabo, qui doit changer de jambes 200 mètres après la ligne du départ. Jorky est aussi pris de vitesse et ne peut éviter Ludo du Chignon à la faute devant lui, ce qui provoque l’éclatement du pneu gauche de son sulky.

Lurabo trotte en plaine en sixième position, ce qui incite « Minou » Gougeon à réagir. Diamond Exchange sprinte toujours en tête à une allure folle, comme il est habitué à le faire sur le « mile ». Il est suivi à distance par Lutin d’Isigny, Speedy Magnus, Minou du Donjon et Micado C. Tout doit changer au poteau du dernier kilomètre, où l’on voit Speedy Magnus éclater, Micado C se rapprocher de la tête, et Lurabo enfin se dégager de la corde pour entamer son effort à l’extérieur.

A l’issue d’une folle échappée, qu’Ulf Nordin ne semble pas pouvoir contrôler, le champion de Suède Micado C rejoint maintenant Diamond Exchange en tête. Les Suédois s’extasient. Plus loin à deux longueurs environ, viennent Speedy Magnus, remis au trot le long de la corde, Lutin d’Isigny et Lurabo ensemble, courant de front. On va vivre alors un instant magique. Lurabo part à l’assaut du Prix de France en 37’’5 sur les 500 mètres de la montée. Il arrive ainsi à une vitesse prodigieuse pour dépasser en trombe Diamond Exchange sur ses fins, puis Micado C lui aussi quasiment asphyxié. Lurabo entre dans la Légende du Trot. Ce jour-là il est vraiment le meilleur du monde. Lorsqu’il double Micado C, il affiche une telle facilité qu’on croit que le trotteur suédois s’est arrêté. Il trotte les 500 derniers mètres en 38’’ pour s’en aller tout seul, très loin des autres, cueillir une incroyable victoire, une victoire fantastique.

Le record de Classical Way (1’14’’2) est pulvérisé ! Lurabo remporte ce Prix de France 1984 dans la réduction incroyable de 1’13’’7 !

Minou du Donjon (deuxième) et Mon Tourbillon (troisième) sont les plus aptes à poursuivre Lurabo dans la ligne d’arrivée, s’octroyant ainsi les places d’honneur, loin derrière le vainqueur inapprochable, mais devant l’audacieux Micado C, que suivent les courageux Lutin d’Isigny et Jorky (blessé), devant Snack Bar, Casino Hedevang, l’incompréhensible Diamond Exchange, le suédois Speedy Magnus, et les quatre autres concurrents n’ayant joué aucun rôle dans cette course.

Ludo du Chignon lui a été disqualifié.

Si Lurabo s’octroie ainsi le record fantastique de 1’13’’7, Minou du Donjon est crédité de 1’14’’, Mon Tourbillon 1’14’’1, Micado C 1’14’’5, Lutin d’Isigny 1’14’’5, Jorky 1’14’’6, Snack Bar 1’14’’6.

 

Ce jour-là, Lurabo vient donc d’écrire une page de la Légende du Trot et rejoint Gélinotte, Jamin, Bellino II, Eléazar et Hymour pour avoir réalisé comme eux la même année le doublé Prix d’AmériquePrix de France. Il entre ainsi dans les annales du trotting.

Mais il faut bien sûr associer à son triomphe son pilote renommé Michel-Marcel dit « Minou » Gougeon et son entraîneur Jean-Lou Peupion, dont la réussite est à peine croyable, surtout si l’on considère que le second de ce Prix de France 1984 est aussi un « Peupion », le très beau Minou du Donjon, fils de Quioco et de Géribia, elle-même fille de Kerjacques.

Ce Minou du Donjon est donc très bien né.

Lurabo en démonstration à Argentan

Lurabo en démonstration à Argentan

Jean-Lou Peupion, du temps où il s'occupait d'Une de Mai

Jean-Lou Peupion, du temps où il s'occupait d'Une de Mai

Michel-Marcel dit « Minou » Gougeon a conduit Lurabo à la victoire dans le Prix d’Amérique 1984 et le Prix de France 1984

Michel-Marcel dit « Minou » Gougeon a conduit Lurabo à la victoire dans le Prix d’Amérique 1984 et le Prix de France 1984

Lurabo et Michel-Marcel dit « Minou » Gougeon

Lurabo et Michel-Marcel dit « Minou » Gougeon

Lurabo pendant le défilé du Prix d’Amérique 1984

Lurabo pendant le défilé du Prix d’Amérique 1984

Lurabo le jour de son triomphe dans le Prix d’Amérique 1984

Lurabo le jour de son triomphe dans le Prix d’Amérique 1984

Jorky, la classe à l’état pur, a été le seul à soutenir la comparaison avec Lurabo dans le Prix d’Amérique 1984

Jorky, la classe à l’état pur, a été le seul à soutenir la comparaison avec Lurabo dans le Prix d’Amérique 1984

Lurabo remporte le Prix d'Amérique 1984 devant Jorky

Lutin d’Isigny, le grand rival de Lurabo

Lutin d’Isigny, le grand rival de Lurabo

Lançon et Ali Hawas

Lançon et Ali Hawas

Landoas et Bertrand de Folleville

Landoas et Bertrand de Folleville

Lapito et Joël Hallais

Lapito et Joël Hallais

Larabello et Philippe Allaire

Larabello et Philippe Allaire

Larabello et Philippe Allaire

Larabello et Philippe Allaire

Lévorino

Lévorino

Minou du Donjon et Olle Goop

Minou du Donjon et Olle Goop

Mon Tourbillon et Jean-Pierre Viel

Mon Tourbillon et Jean-Pierre Viel

Lurabo retrouve Lutin d’Isigny et Mon Tourbillon à Cagnes-sur-Mer, le dimanche 11 mars 1984 pour le Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur (1 609 m), dont l’intérêt se trouve un peu diminué par la défection de Micado C quelques jours auparavant.

Ils sont tout de même neuf chevaux à prétendre au titre de « roi de la vitesse » dans ce Critérium édition 1984, malgré l’absence du tenant du titre Spice Island, ayant fait afficher une réduction de 1’14’’5 l’an dernier, donc toute proche du record toujours détenu par Hadol du Vivier en 1’14’’1 depuis sa victoire devant Idéal du Gazeau en 1980.

Ejnar Vogt, Karendada, Keystone Patriot, Monquier, Nevele Fever et Speedy Magnus complètent le lot des neuf participants. En raison de leurs récents exploits et de leur vitesse de base maintenant bien connue, Lurabo et Mon Tourbillon sont les favoris devant Lutin d’Isigny et Ejnar Vogt.

Après le défilé et les hymnes nationaux des divers participants, Keystone Patriot s’est montré le plus rapide au départ derrière l’autostart, pour s’emparer de la tête et de la corde. Mais Karengada elle est partie au galop, imitée d’ailleurs par Mon Tourbillon, le second favori. Ejnar Vogt lui a choisi de s’élancer en retrait et assez lentement. Au passage devant les tribunes, Keystone Patriot emmène Lutin d’Isigny, Lurabo et Monquier.

Dans le tournant dit « du Loup », Lurabo, un peu ralenti par Lutin d’Isigny, commet une petite faute, heureusement vite réprimée par Michel « Minou » Gougeon.

Dans la ligne d’en face, celle du bord de mer, Lurabo s’est assuré un net avantage sur Lutin d’Isigny, Speedy Magnus, Keystone Patriot, Mon Tourbillon bien revenu, Ejnar Vogt et Monquier. Dès la sortie du tournant final, Lurabo impérial fait figure de gagnant, malgré les très belles fins de course de Lutin d’Isigny et de Mon Tourbillon.

Lurabo a déjà lâché tous ses adversaires dans la ligne droite à huit cents mètres du but, créant alors l’un de ces moments magiques dont il nous a maintenant habitués. Sans forcer son talent, il franchit en vainqueur la ligne d’arrivée en égalant le deuxième meilleur temps de l’épreuve, 1’14’’5, déjà réalisé par Spice Island l’an dernier, laissant à Hadol du Vivier son record historique de 1’14’’1.

A distance, Lutin d’Isigny s’octroie en 1’14’’7, une bonne deuxième place devant Mon Tourbillon 1’14’’8, lui aussi excellent, et loin devant Monquier 1’15’’5, Ejnar Vogt 1’15’’5. Comme Jamin, Bellino II et Hymour, Lurabo réalise donc le triplé légendaire : Prix d’AmériquePrix de FranceGrand Critérium de Vitesse la même année. (Eléazar l’a fait aussi mais pas la même année). Lurabo n’a pourtant pas fini de nous étonner.

 

Le samedi 31 mars 1984, toute la France doit gagner le tiercé couru à Enghien dans le Prix de l’Atlantique (2 150 m), puisque Lurabo, Lutin d’Isigny et Mon Tourbillon, nos trois meilleurs trotteurs du moment sont au départ. La seule question est de savoir qui de Lutin d’Isigny ou de Mon Tourbillon sera deuxième.

Il n’y a d’ailleurs que 13 partants au départ de ce Prix de l’Atlantique choisi comme support du pari tiercé.

Paris-Turf a choisi Lurabo, Lutin d’Isigny et Mon Tourbillon dans cet ordre à ce Prix de l’Atlantique d’Enghien, ce qui correspond à l’arrivée du récent Critérium de Vitesse.

Lurabo doit cependant justifier sa position de grandissime favori à 3/10.

Or, c’est ce jour-là qu’il devient l’idole des turfistes parisiens, qui l’ont d’abord boudé au moment du défilé où il est à peine plus applaudi que Mon Tourbillon, et violemment sifflé durant les canters lorsqu’il commet une très longue incartade, qui en vérité ne présage rien de bon. C’est pire au départ quand Lurabo, à la faute, est carrément arrêté par son driver.

Il vient alors de perdre une bonne cinquantaine de mètres sur tous ses rivaux.

L’exploit qu’il va réaliser ensuite doit lui valoir une ovation inoubliable de la part de ces mêmes parieurs, qui l’ont tant sifflé et hué un peu avant.

Ils sont donc treize à se ranger derrière les ailes de l’autostart aux environs de 16 heures, alors que toute la France, par le biais de la télévision, ou sur les tribunes d’Enghien a les yeux braqués sur eux, ou plutôt sur Lurabo, facilement reconnaissable à sa morphologie à la fois puissante et harmonieuse, avec sa belle tête à liste blanche et sa crinière taillée, sa robe alezane et les couleurs rouge et blanche de Bellino II.

Son numéro 9 à l’extérieur l’empêche de se rapprocher de l’autostart, qui démarre sèchement. Quand les autres chevaux partent à pleine vitesse dans la ligne d’en face, juste avant le départ, il commence à se braquer ; il va commettre l’irréparable. Il est au galop.

La stupeur s’empare des tribunes, et de tous ceux qui assistent à ce qui ressemble alors à un désastre.

Mais la course a commencé, avec Lutin d’Isigny en tête au côté d’Hickory Almahurst et de Mon Tourbillon. Ils détalent à pleine vitesse, pendant que Lurabo, toujours à la faute, recule, recule, recule encore… Les sifflets retentissent de partout, ainsi que les cris des turfistes, qui crient : « Distancez-le ! Distancez-le ! »

 

Lapito lui aussi fautif est seul à l’accompagner dans cet enfer. Il va perdre cette course sans même avoir couru. Quel gâchis ! Non, ce n’est pas possible, on ne peut pas accepter ça.

Alors, patiemment, maître de lui, « Minou » Gougeon arrête son cheval, le remet au trot et le relance enfin dans la bagarre alors qu’il a bien perdu cinquante mètres sur les chevaux de tête ; et quels chevaux : Lutin d’Isigny et Mon Tourbillon !

Heureusement, l’allure s’est ralentie au passage devant les tribunes et Lurabo commence déjà à regagner du terrain. Jean-Paul André, le driver de Lutin d’Isigny, et Jean-Pierre Viel, le partenaire de Mon Tourbillon, n’ont pas vu la faute de Lurabo. Ils ne cherchent donc pas à durcir la course, ce qui va permettre au favori de revenir défendre ses chances.

L’allure est assez lente et Lurabo en profite pour se lancer dans une course folle, refaisant une quarantaine de mètres en un temps record et soulevant ainsi l’admiration du public, cette fois tout à fait conquis et rallié à sa cause. C’est l’émerveillement après le tollé général. Lurabo aborde alors le tournant du chemin de fer.

Lutin d’Isigny, Mon Tourbillon, Monquier, suivis de près par Hickory Almahurst, Joli Quito à la corde, Lurabo à l’extérieur, Solo Hagen, Keystone Patriot, Nevele Fever virent tous de front pratiquement. On ne les voit plus un court instant à cause des tribunes de la pelouse centrale, puis ils reparaissent en face. Lutin d’Isigny leur montre le chemin avec tout près de lui, Mon Tourbillon et Hickory Almahurst.

Lurabo va donc devoir les doubler en quatrième épaisseur.

Il est à son maximum, tendu, donnant des coups de tête, car il n’a pas eut un instant de répit depuis qu’il a lancé son attaque au passage des tribunes.

Lutin d’Isigny, pris de vitesse, ne parvient pas à le contrer et Mon Tourbillon, pourtant à son affaire et trottant très librement, n’y réussit pas davantage.

Lurabo arrive ainsi à prendre tête et corde au milieu de la ligne d’en face. Il augmente maintenant son avance pour pouvoir virer en tête, sans être inquiété ni par Mon Tourbillon, très incisif à ce moment-là, ni par Lutin d’Isigny, qui ralentit comme il le fait souvent dans le dernier tournant.

Lurabo et Mon Tourbillon entrent ensemble dans la dernière ligne droite, légèrement détachés du petit groupe qui les suit avec Lutin d’Isigny, s’avouant battu et semblant vraiment abdiquer.

La longue ligne droite d’Enghien paraît encore plus interminable que jamais.

Mon Tourbillon semble plein de ressource. Aussi « Minou » Gougeon doit solliciter sans frapper Lurabo, qui repart aussitôt. Il lui faut maintenant résister à la pointe de vitesse redoutable de Mon Tourbillon, jusqu’alors nullement éprouvé, ayant eu lui une course tout à fait à sa mesure pour ne pas dire tranquille. Un nouveau duel se livre entre ces deux chevaux au style bien différent. On craint que Lurabo paie maintenant ses violents efforts et sa folle remontée. Il est maintenant encouragé par le public tant il le mérite. Le favori logique devient aussi le favori du cœur. Les tribunes s’enflamment comme jamais à Enghien, vibrent sous les cris enthousiastes. Encore cent cinquante mètres, puis cent mètres, cinquante mètres.

Lurabo, Mon Tourbillon, Mon Tourbillon, Lurabo, qui l’emportera ? Lurabo a encore assez de courage et de force pour tenir en respect son jeune adversaire impétueux. Il va pouvoir rallier le poteau en vainqueur, une fois de plus, signant ainsi une autre victoire fantastique, la sixième consécutive.

Mon Tourbillon montre maintenant ses limites, mais… Incroyable ! C’est Lutin d’Isigny, qui revient sur eux pour se mêler à la lutte. Lurabo doit à nouveau puiser dans ses réserves, pour finalement l’emporter de haute lutte. Mon Tourbillon est deuxième à une encolure et Lutin d’Isigny troisième à une tête du cheval d’Albert Viel.

Solo Hagen, un peu plus loin, finit bien pour s’octroyer la quatrième place derrière les trois champions français, qui ressortent grandis de cette course inoubliable.

Lurabo bien sûr étant le plus acclamé des trois. Il vient encore d’accomplir un exploit, certes, mais un exploit, qui va lui coûter cher par la suite.

Les temps affichés sont de 1’16’’6 pour Lurabo, 1’16’’7 pour Mon Tourbillon et Lutin d’Isigny, 1’16’’8 pour Solo Hagen, quatrième devant Nevele Fever (1’17’’).

C’est à cette époque que Lurabo est connu de tous comme « l’Extraterrestre », surnom que ses admirateurs et certains des habitués des champs de courses lui ont déjà donné auparavant.

 

On revoit Lurabo en scène à Toulouse pour le Grand Prix du Sud-Ouest (2 200 mètres), troisième épreuve du Grand Circuit International, le dimanche 29 avril 1984, face à ses deux grands rivaux, Lutin d’Isigny et Mon Tourbillon. Ejnar Vogt, le trotteur hollandais confié à Ulf Nordin, est aussi de la partie avec deux bons scandinaves, Solo Hagen, mené par Richard William Denéchère, et Mickey Viking, que drive Michel Roussel.

Les provinciaux Jealon, Kimono de Quilou, Marquis de Cozes complètent le lot des 11 partants, avec Kémilla et Marco Bonheur.

C’est la septième édition du Grand Prix du Sud-Ouest, qui a déjà couronné Eléazar (deux fois), Idéal du Gazeau (trois fois) et Ianthin, le tenant du titre, en 1983.

L’épreuve itinérante se disputant tour à tour à Beaumont-de-Lomagne, Bordeaux, Toulouse et Agen. Cette année, à Toulouse donc, Lurabo est le grandissime favori. Il ne doit pas décevoir ses innombrables supporters malgré une petite incartade et un Lutin d’Isigny particulièrement combatif. Il y a tout d’abord un départ catastrophique, qui mériterait d’être repris. L’autostart se traîne tout d’abord, avant d’accélérer brutalement, déséquilibrant certains chevaux comme Ejnar Vogt et Marco Bonheur, qui perdent là le plus clair de leurs chances. Lutin d’Isigny est cependant le mieux parti pour prendre tout de suite la tête et la corde. Kémilla et Mickey Viking ne s’en sont pas trop mal sortis, s’élançant derrière lui, au contraire de Lurabo, Solo Hagen et Mon Tourbillon, qui ont concédé du terrain.

Marco Bonheur lui sur une grosse faute est relégué au dernier rang en compagnie d’Ejnar Vogt. Mickey Viking apprécie mal le premier virage.

Lurabo contourne le peloton afin de se porter en tête au côté de Lutin d’Isigny, son principal adversaire. Ils entrent ainsi ensemble dans la ligne droite, alors que Mickey Viking cette fois commet une grosse faute au tournant des tribunes, gênant Jealon et Solo Hagen.

Dans la ligne d’en face, Lurabo, le grandissime favori, ayant tapé d’un postérieur sur la roue de son sulky, s’enlève à son tour causant une grosse frayeur à ses nombreux supporters. Il perd ainsi trois bonnes longueurs sur son grand rival, Lutin d’Isigny, qui se montre plus déterminé que jamais. Saisissant ainsi l’occasion de prendre sa revanche, il accélère l’allure afin de s’échapper irrésistiblement, d’autant que Mon Tourbillon ne semble pas battu. Jealon et Ejnar Vogt se rapprochent aussi. Mais c’est Lurabo qui crée le suspense en se lançant à la poursuite de Lutin d’Isigny. Il le rejoint dans le milieu du dernier virage, pour aborder avec lui la ligne d’arrivée. Et l’on a droit à un superbe duel entre ces deux champions, qu’encouragent les clameurs d’un public passionné. Mon Tourbillon est encore dans leur sillage, semblant guetter l’instant propice à une attaque.

Lutin d’Isigny est merveilleux de courage et Lurabo doit s’employer, puiser dans ses réserves et sortir le grand jeu pour faire la différence. Il l’emporte finalement sur le pied de 1’16’’3, égalant presque le record qu’avait établi Idéal du Gazeau en 1’16’’2, l’année de sa victoire sur Jorky en 1980. Lutin d’Isigny (1’16’’5) est deuxième tout près. Mon Tourbillon prend la troisième place à distance.

Ce jour-là, Lurabo et Lutin d’Isigny ont tous deux gagné leur billet pour New York et le Championnat du Monde des Trotteurs de Roosevelt Raceway.

 

Mais quelques temps plus tard, des bruits inquiétants circulent à propos de Lurabo. On le dit blessé, sur la touche, incapable de renouer avec la victoire sur un champ de courses, suite à l’incident survenu dans le Grand Prix du Sud-Ouest, durant lequel il heurta la roue de son sulky avec sa jambe postérieure gauche. Pour faire taire ces rumeurs, une seule chose à faire pour le champion de Maurice Macheret : se remettre en piste et nous prouver ce dont il est capable. La démonstration qu’il va nous offrir doit dépasser nos espérances ; mais, hélas, ce que l’on ignore c’est qu’elle sera aussi son « chant du cygne ».

En ce dimanche 8 juillet 1984, les Américains venus tout spécialement en délégation de la société new-yorkaise des courses de Roosevelt Raceway sont présents à Gelsenkirchen et ils ont l’œil sur Lurabo, l’attendant au tournant, car ils n’ont pas trop apprécié son absence à Solvalla dans l’Elitloppet, qui leur sert toujours de référence pour le choix des trotteurs européens les plus aptes à se distinguer dans le Roosevelt International Trot.

Or, quelques jours auparavant, les organisateurs du prochain Championnat du Monde ont déclaré : - Nous sommes d’accord pour inviter Lurabo, à condition qu’il nous prouve qu’il est toujours en état de courir.

En fait, c’est le 8 juillet, en Allemagne, à Gelsenkirchen, que Lurabo a gagné son billet d’avion pour New York !

Mais, avant la course, Jean-Lou Peupion est dans ses petits souliers, car il sait que Lurabo n’est pas au mieux de sa condition. En outre, il n’a jamais voyagé à l’étranger et n’est pas réputé pour courir bien frais. Or, il s’agit bien pour lui d’une course de rentrée puisqu’il n’a pas revu un hippodrome depuis le 29 avril à Toulouse, date de sa victoire dans le Grand Prix du Sud-Ouest.

A l’inverse, dans le clan de Lutin d’Isigny on est très confiant. Lutin, le bel alezan de Maurice Cornière, est en super forme, resplendissant, plus beau et plus fringant que jamais depuis sa victoire spectaculaire à Vincennes devant Mon Tourbillon, prêt à accomplir un nouvel exploit. Or, contrairement à Lurabo, il a déjà gagné à l’étranger et a l’habitude des voyages. Sa victoire éclatante à Copenhague n’est pas passée inaperçue. Il est d’ailleurs le tenant du titre dans cette grande course de Gelsenkirchen.

Ce dimanche 8 juillet 1984, l’Elite Rennen de Gelsenkirchen a donc pris des allures de répétition avant le Championnat du Monde de New York, dont la date a été fixée au 25 août. Comme on pouvait s’en douter, Lutin d’Isigny est le mieux parti derrière l’autostart pour défendre son titre et devancer Kirk, Kombo, Hickory Almahurst, Rex Haleryd et Ustrina. Lurabo, désavantagé par son numéro 8 derrière l’autostart, a concédé du terrain sur ses rivaux. Mais il se rapproche déjà de façon significative dans la ligne d’en face, ayant pris Lutin d’Isigny en point de mire. Au passage devant les tribunes, Lutin d’Isigny et Lurabo emmènent derrière eux Pay Me Quick, Kombo, Rex Haleryd… Lutin d’Isigny accélère l’allure dans la ligne opposée, mais Lurabo se maintient toujours à sa hauteur.

A l’entrée de la ligne droite, Jean-Paul André, le partenaire de Lutin d’Isigny, a dû croire un moment à la victoire. Mais, à mi-ligne droite, Lurabo enclenche la vitesse supérieure pour dépasser son rival, qui lui résiste courageusement jusqu’au bout, jusqu’au poteau de la victoire qu’ils franchissent presque ensemble. Mais il y a une encolure entre eux, Lurabo précédant ainsi son grand rival Lutin d’Isigny. Cependant, ils sont crédités de la même réduction kilométrique, 1’14’’8 ! Incroyable, ils ont établi un nouveau record du monde sur la distance de 2 500 mètres, à mettre à l’actif de Lurabo, puisque c’est lui le gagnant.

A distance, Pay Me Quick, que pilote Stig H. Johansson, s’octroie la troisième place. En contemplant Lurabo, Stig Johansson semble perplexe. Il songe déjà sérieusement à déclarer forfait avec The Onion dans l’aventure new-yorkaise, pour laquelle son cheval a été sélectionné avec Legolas, afin de représenter la Suède dans ce fameux Championnat du Monde dont tout le monde parle.

Mais, ce que tous ignorent, c’est que cette belle victoire de Lurabo sera pour lui la dernière. Après avoir connu le Paradis, il ne va pas tarder à entrer en Enfer.

Le lundi 16 juillet 1984, on apprend par la presse hippique que Lurabo et Lutin d’Isigny sont tous les deux officiellement sélectionnés pour représenter la France dans le Championnat du Monde des Trotteurs à Roosevelt Raceway, qui se disputera en nocturne le samedi 25 août 1984. La revanche dans la Challenge Cup, ayant lieu une semaine plus tard. La Suède sera elle en principe représentée par les trotteurs Legolas et The Onion, bien que Stig Johansson ait songé à déclarer forfait avec The Onion, qui en fait est un pur « miler » et risque de trouver les 2 011 mètres du Roosevelt International un peu longs pour ses aptitudes. Mais il semble que depuis le célèbre professionnel suédois soit revenu sur son jugement.

Lurabo en action

Lurabo en action

Ura, le père de Lurabo

Ura, le père de Lurabo

Lurabo lui choisit de se remettre en scène en Italie, à Montecatini, où il n’a que trois adversaires à battre, Blim et Bertuz au poteau des 2 040 mètres, Demon Renvaech à celui des 2 060 mètres, tandis qu’il sera seul à partir des 2 080 mètres, une distance proche des 2 011 mètres du Roosevelt International.

Ces trois trotteurs italiens sont tellement insignifiants comparés à Lurabo, que l’idée d’une telle confrontation semble ridicule. Et pourtant !

La course baptisée Grand Prix Philip Morris était dotée de 60 millions de lires et disputée en nocturne le samedi 4 août 1984. Test ou exhibition pour Lurabo, on ne sait pas trop, mais la piste de Montecatini, assez semblable à celle de Roosevelt Raceway, doit permettre au fils d’Ura de prendre contact avec ce genre de « tourniquet » formé par un anneau d’environ 800 mètres, ce qui ne convient pas trop à de grands trotteurs du style Bellino II, par exemple. Aussi, n’est-ce pas un piège pour Lurabo ?

On ne sait pas encore comment Lurabo s’est comporté en Italie. Mais la nouvelle a dû tomber comme un coup de tonnerre dans les bureaux de Paris-Turf. Battu ! C’est ainsi que le journaliste hippique Henri Diacono, délégué par Paris-Turf à Montecatini, a titré son article. En fait, en le lisant plus en détail, on apprend que Lurabo n’a pratiquement pas couru. Ses adversaires italiens ne l’ont même pas vu. Il est resté à l’arrière-garde, finissant très loin des autres, braqué, fautif, furieux, alors que les juges aux allures, complètement consternés, n’osaient pas le disqualifier.

Tout a pourtant bien commencé ; le public italien et les tifosi venus nombreux applaudir Lurabo, lui ont réservé un véritable triomphe dès son entrée en scène, l’acclamant comme il ne l’avait pas été en Allemagne après son exploit et son record du monde.

Que c’est-il passé dans la tête de Lurabo ? On ne saura jamais. Toujours est-il qu’il a refusé de partir au signal. Il s’est braqué, a hésité, « compté ses pas » (écrira Henri Diacono), avant de partir au galop. Repris par « Minou » Gougeon, il doublait ainsi son handicap initial. A quatre cents mètres de l’arrivée, alors qu’il s’est laborieusement situé dans le sillage de ses adversaires, il éclate à nouveau, commettant cette longue faute, qui cette fois oblige les commissaires à l’éliminer. Il finit cependant au trot, très loin des autres, alors que Bertuz, le vainqueur en 1’16’’6, a depuis un bon moment bouclé son parcours.

On apprend ainsi qu’il est lui aussi qualifié pour le Championnat du Monde.

Cette défaite de Lurabo, inexplicable à ce moment-là, prend des allures d’affront.

Quant au record de la piste, que les employés de l’hippodrome ont déjà effacé, il faut le réécrire à coup de pinceau.

On ne le sait pas encore, mais c’est soir-là que Lurabo est entré en Enfer.

 

Après cet incroyable échec, Jean-Lou Peupion, le metteur au point du champion, est resté très avare en explication. Quelques jours après, il déclare aux journalistes de Paris-Turf :

- Lurabo n’était pas fâché, seul le départ exécuté après une volte à droite l’a désorienté ; avec une volte à gauche, il aurait gagné !

 

Pourtant, dans la nuit du samedi 25 août 1984, à New York, Lutin d’Isigny est sacré champion du monde !

Lurabo, très malchanceux il est vrai, termine cinquième à une seconde de son grand rival.

 

Lutin d’Isigny s’octroie en prime le record de la course et le record du monde (1’14’’6) sur la distance de 2 011 mètres (un mile et ¼ de mile).

The Onion se classe deuxième en 1’15’’2, Crown Wood troisième en 1’15’’2 également, devant Spunky Byron (1’15’’2 aussi), Lurabo (1’15’’6), Babe Kosmos (1’15’’6) et Legolas. Lurabo lui a fini la course en boitant. Il souffre apparemment de son antérieur droit, s’étant donné un coup au moment de l’incident provoqué par la chute de Bridger, le trotteur canadien. Il semble aussi incommodé par la dureté de la piste.

Il n’est donc pas question pour lui de revanche dans la Challenge Cup (2 413 m) la semaine suivante, ce qui permet à Lutin d’Isigny, décidément fort à l’aise sur cette piste de Roosevelt, de confirmer brillamment sa victoire en s’imposant devant Lançon (une vieille connaissance pour lui), TV Yankee, Babe Kosmos, Spunky Byron… sur le pied de 1’16’’7.

 

Lurabo humilié, meurtri, rentre en France pour soigner ses blessures et aussi son moral, qui en a pris un sérieux coup.

 

Le dimanche 27 janvier 1985, Lutin d’Isigny, en dépit de ses dernières prestations plutôt moyennes, devient le timide favori du Prix d’Amérique, préféré à Lurabo, dont on craint désormais les problèmes de jambes.

Derrière ces deux champions, on retient surtout les noms de Minou du Donjon et de Mon Tourbillon, avant ceux de Major de Brion, Malouin, Landoas et Lapito.

Kaiser Trot, lui, après son retentissant échec du Prix de Cornulier (2 650 m), remporté par Mirande du Cadran devant Orfeu Negro et Lapito, met un terme à sa carrière de courses.

Et l’on arrive à ce dimanche 27 janvier 1985, jour du 61e Prix d’Amérique.

Ce Prix d’Amérique 1985 peut paraître assez ouvert, vu la forme incertaine des deux plus titrés, Lurabo et Lutin d’Isigny.

En vérité, Minou du Donjon, le vainqueur moral du Prix de Belgique, est le favori logique. Lutin d’Isigny, plus dur à la lutte que Mon Tourbillon, peut lui être préféré. La régularité de Major de Brion devrait logiquement lui permettre de s’octroyer une quatrième place, et Lurabo, le tenant du titre, ne peut être totalement écarté vu sa grande classe. Mais pour une victoire, on n’y croit pas trop. Malouin bénéficiera de la grande expérience du maître Jean-René Gougeon, alors que Landoas, mené par le jeune Bertrand de Folleville, peut craindre le manque de métier de son partenaire à ce niveau de la compétition.

 

Ce Prix d’Amérique 1985, qu’Eléazar et Hymour honorent de leur présence en tête du défilé, aura été marqué surtout par trois chevaux : Lurabo, étonnant de courage, qui prit le train à sa charge et tenta ainsi le tout pour le tout ;  Mon Tourbillon à la fin de course étourdissante, qui vint priver Minou du Donjon de la deuxième place ; et enfin, Lutin d’Isigny, qui s’est envolé impérial vers la gloire, justifiant brillamment son titre de champion du monde. Par contre, on pouvait être déçu par l’étrange comportement de Minou du Donjon, qui a couru braqué, la tête de travers, ne se livrant pas vraiment au moment du combat. Major de Brion lui confirmait tout le bien qu’on pensait de lui en concluant quatrième. Lapito, sixième, était aussi à sa place. Landoas, gêné par Lutin d’Isigny, qui ralentissait devant lui dans le dernier virage, a joué de malchance, car il était plein de ressource, et était aussi un vainqueur possible dans ce Prix d’Amérique plutôt ouvert en l’absence du vrai Lurabo.

Le duel magnifique que se livrèrent les deux grands champions, Lurabo et Lutin d’Isigny, jusqu’à cent mètres du but, a enthousiasmé le public, alors que l’étonnante fin de course de Mon Tourbillon a surpris tout le monde.

Lutin d’Isigny lui s’est envolé, pour remporter tout seul, loin des autres, une magnifique victoire, qu’il signe sur le pied de 1’17’’8.

Mon Tourbillon, finissant comme une torpille, est donc deuxième en 1’18’’, Minou du Donjon, toujours fâché, perd sur le fil le premier accessit, pour se retrouver troisième en 1’18’’ également. Major de Brion est un bon quatrième en 1’18’’2, Lurabo un héroïque cinquième en 1’18’’3, Lapito sixième en 1’18’’4, Karengada septième en 1’18’’5.

 

On attend maintenant avec impatience la revanche dans le Prix de France (2 100 m), le dimanche suivant, avec un nouveau duel Lurabo – Lutin d’Isigny, mais un Lurabo à son apogée. C’est alors que Lutin d’Isigny est déclaré forfait sur le champ pour cause de « coup de sang ». Etrange !

Lurabo, tenant du titre, Mon Tourbillon, vainqueur de l’édition 1983, Minou du Donjon, second en 1984, et Major de Brion sont préférés à Ludo du Chignon, Néric Barbès, Luga, Micado C, Game Hogh et Khali de Vrie.

Mon Tourbillon (1’14’’7) profite de l’absence de Lutin d’Isigny, des disqualifications de Lurabo et de Game Hogh, pour remporter son second Prix de France, devant Major de Brion, Néric Barbès, Ludo du Chignon, Khali de Vrie, Micado C, Minou du Donjon, encore décevant, et Luga.

Souffrant toujours de sa jambe droite, Lurabo a été disqualifié après une grosse faute survenue au moment où il doublait tout le peloton à une allure dingue dans la montée, causant une très grosse impression, la plus belle image que l’on retiendra de cette course.

 

Lurabo se remet courageusement en piste dans le Prix de Paris (3 157 m) une semaine plus tard, pour partager la position de favori avec Landoas, devant Major de Brion, Minou du Donjon et Néric Barbès, Malouin, Lapito.

Ils sont 17 au départ et cette course sert de support au pari tiercé.

Mais le calvaire de Lurabo se poursuit ; après avoir fait illusion une fois de plus, il cède brusquement, sous l’impulsion de Khali de Vrie, et Malouin en profite pour réussir ses adieux : il s’impose en 1’18’’3, devant Landoas, un peu malchanceux, et Khali de Vrie.

Dès lors, Lurabo disparaît à nouveau de la scène pour une durée indéterminée.

Enfin, on apprend qu’il fera la monte au haras des Cruchettes pour la saison 1986. Mais son retour est prévu à Vincennes l’hiver prochain, dans les épreuves préparatoires, en vue de se qualifier pour le Prix d’Amérique 1986.

 

Alors qu’Ogorek enlève le Prix de Bretagne (2 800 m), première épreuve préparatoire au Prix d’Amérique, devant Ourasi, plus surpris que battu, il est vrai, on a des nouvelles plutôt encourageantes de Lurabo.

Le grand champion revient paraît-il à son meilleur niveau. Il travaille régulièrement à Grosbois, de façon satisfaisante. Sa rentrée à Vincennes étant prévue en décembre dans le Prix de Bourgogne.

Maurice Macheret a fait le déplacement depuis la Savoie pour voir progresser son cheval. Mené par son fidèle soigneur, le sympathique Göran Hjerreholt, un jeune Suédois très jovial, il doit parcourir environ 2 500 mètres en compagnie d’Ogorek, que mène Jean-Lou Peupion lui-même. Lurabo suit sans difficulté Ogorek, qui tire beaucoup. Comme à ses plus beaux jours, Lurabo allie magnifiquement la puissance et la légèreté, un vrai régal pour les yeux. Les derniers mille mètres sont couverts en 1’20’’. Les deux trotteurs concluent côte à côte. Tout va donc pour le mieux. Il ne manque à Lurabo qu’une petite somme (30 000 F) pour compléter les gains que lui valut sa cinquième place du Prix d’Amérique 1985. On est en droit d’espérer qu’il la gagnera facilement…

 

Hélas ! Comme Jorky avant lui, Lurabo est maintenant marqué par le mauvais sort. Souffrant toujours de sa jambe, il ne parviendra pas à se qualifier pour ce Prix d’Amérique 1986 ; son heure ayant passé, la page est tournée, car sans doute il était maintenant temps de se consacrer à un autre champion, plus jeune et plus solide celui-là, Ourasi !

 

Le dimanche 26 janvier 1986, à 15 heures 45, le défilé du Prix d’Amérique nous présente les dix-huit concurrents à la victoire : mais pas de Lurabo !

Il se retire donc de la compétition, par la petite porte, riche toutefois de 5 855 260 F, ce qui est assez peu pour un crack de cette envergure.

C’est au haras qu’il se distingue dès lors, en produisant notamment les bons vainqueurs que sont Vaflosa Gédé, Vroum d’Or, et surtout Abo Volo, qui offrira à Albert Viel son premier Prix d’Amérique quelques jours avant sa mort, et permettra à Lurabo de devenir, après Passeport, le deuxième gagnant de Prix d’Amérique, père d’un autre gagnant de Prix d’Amérique.

Lurabo est mort dès suites d’une occlusion intestinale, le dimanche 13 juin 1993.

Lurabo au haras des Cruchètes

Lurabo au haras des Cruchètes

Lurabo

Lurabo

Vroum d'Or

Vroum d'Or

Abo Volo

Abo Volo

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