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14 avril 2013 7 14 /04 /avril /2013 14:28

Ourasi (suite)

Ourasi est au départ du Prix du Bourbonnais (2 650 m), deuxième épreuve préparatoire au Prix d’Amérique, le jeudi 11 décembre 1986, dans lequel il retrouve Olympio de Corseul, Pan de la Vaudère et Ogorek, ses principaux adversaires du Prix de Bretagne, mais aussi Navigo, qu’il a déjà battu, notamment dans ce fameux Championnat Européen du 19 juin dernier. Ils sont trois à rendre 25 mètres, les trois plus riches : Ourasi, Minou du Donjon et Ogorek, Oligo étant cette fois à la limite du recul. Ourasi, Pan de la Vaudère et Olympio de Corseul obtiennent les préférences de la presse et du public devant Ogorek et Navigo.

Cette fois Pan de la Vaudère prend tout de suite un bon départ pour se retrouver tout de suite en tête avec Oligo. Olympio de Corseul et Nodesso sont également bien partis, mais ils vont se montrer fautifs à la fin, alors qu’ils étaient assurés des cinquième et quatrième places. Ourasi prend l’avantage sur Pan de la Vaudère et Oligo peu après le dernier virage et les domine jusqu’au bout, sans vraiment forcer son talent, l’emportant sûrement sur le pied de 1’16’’7. Pan de la Vaudère (1’17’’5) est un tout bon deuxième, devant Oligo (1’17’’6) courageux troisième, Permissionnaire bon finisseur, Okéanos, Ogorek, Minou du Donjon, Navigo, Ophecsova, Ouragan Céleste… C’est la treizième victoire consécutive d’Ourasi, qui a bien progressé depuis sa course de rentrée dans le Prix de Bretagne.

 

Poroto lui s’aligne au départ du Prix Marcel Laurent (2 300 m), avec Paugayen Port, Pabeilo, comme lui avantagés de 25 mètres sur Potin d’Amour, le lundi 15 décembre 1986. Mais c’est Prince Royal, grande révélation à ce niveau, qui l’emporte en 1’15’’7, devant Poroto, Permissionnaire, Pabeilo, Petit Sam, Paugayen Port…

Poroto, le champion au bonnet jaune, s’annonce déjà comme l’un des principaux challengers d’Ourasi, en dépit de cette courte défaite.

 

Poroto 2Poroto, le champion au bonnet jaune

 

 

Enfin, le samedi 27 décembre 1986, le Prix de Bourgogne (2 100 m), troisième épreuve préparatoire au Prix d’Amérique, après les Prix de Bretagne et du Bourbonnais, doit permettre à notre grand champion Ourasi de terminer l’année 1986 invaincu, malgré Pan de la Vaudère, Noble Atout, Minou du Donjon, Mon Tourbillon, Néric Barbès, Ogorek et Oligo, ses principaux adversaires. Le lot des 12 partants étant complété par Okwo, Navigo, Podosis et Prince Royal, surprenant vainqueur du récent Prix Marcel Laurent devant Poroto.

Noble Atout est un candidat très en vue et très surveillé car il reste sur trois victoires prestigieuses : Prix des Meilleurs (2 600 m), à Munich, Grand Prix Fernand Talpe (2 300 mètres), à Kuurne, Grand Prix des Nations (2 200 m), à Milan.

Mais c’est toutefois Pan de la Vaudère, qui s’annonce comme l’adversaire le plus dangereux et le rival le plus ambitieux, prêt à profiter de la moindre défaillance d’Ourasi, le grandissime favori de ce Prix de Bourgogne. La confrontation au sommet vaut le déplacement, et le public ne s’y est pas trompé, étant venu nombreux pour assister à cet événement, qui sera la dernière prestation d’Ourasi pour l’année 1986. 

Minou du Donjon est le mieux parti pour prendre l’avantage et le conserver jusqu’à la sortie du dernier virage, où il est attaqué par Ourasi et Pan de la Vaudère. Ogorek est également bien placé tout le long du parcours et il a pu revenir lutter pour la deuxième place, qui lui échappe de peu. Noble Atout a suivi Ogorek et Minou du Donjon pour leur disputer le premier accessit, mais en vain. Mon Tourbillon effectue une bonne rentrée, en tirant beaucoup, montrant cependant qu’il aime encore trotter. Ourasi, après avoir attendu, est venu lutter pour la victoire avec Pan de la Vaudère, jusqu’au moment où le cheval de Jean-Claude Hallais éclate sous l’effort. Son driver ne pouvant le remettre au trot à cette vitesse et si près du but, il est disqualifié, d’autant plus cruellement qu’il est victime de son audace et de sa témérité pour avoir tenté de battre Ourasi. Le brillant champion que mène Jean-René Gougeon, débarrassé de son courageux rival, n’a plus qu’à franchir en vainqueur la ligne d’arrivée car les autres sont loin. La lutte pour la deuxième place étant tout de même d’une grande beauté, puisque Minou du Donjon, Ogorek, Noble Atout et Mon Tourbillon finissent pratiquement ensemble, dans la même battue, bien que classés dans cet ordre.

Le public ne ménage pas ses applaudissements et son admiration tant à l’égard d’Ourasi, qui fait un tour d’honneur devant les tribunes, que pour le courageux et malheureux Pan de la Vaudère. Sortait-il grandi ou blessé de cet affrontement ? Seul l’avenir nous le dira…

Certains avant lui ne s’en sont jamais remis d’avoir voulu faire jeu égal avec Ourasi.

Après cette quatorzième victoire en quatorze sorties durant l’année 1986, Ourasi s’annonce plus fort que jamais et bien armé pour remporter son deuxième Prix d’Amérique, le dimanche 25 janvier 1987, dont il est d’ores et déjà le grandissime favori.

Ourasi, dont tout le monde rêve qu’il va dépasser le record d’Hadol du Vivier (20 victoires consécutives), est élu sans problème « Trotteur  de l’Année 1986 ». Il est aussi « Champion d’Europe 1986 » malgré sa seule prestation à l’étranger, avec un seul point d’avance sur le crack suédois Utah Bulwark, lui-même élu meilleur trotteur de Suède, il est vrai. Deuxième de l’Elitloppet derrière le trotteur norvégien Rex Rodney, Utah Bulwark a fait sien le Grand Prix d’Aby, à Göteborg, le plus grand international suédois après la fameuse course sur le mile de Solvalla.

Mais l’essentiel pour Ourasi est de gagner et il sait se contenter de peu.

Jacques Pauc, le journaliste de Paris-Turf le mieux spécialisé dans le trot et aussi l’historien du trot, l’a comparé à Droopy, le petit chien des dessins animés de Tex Avery, qui a toujours l’air de sommeiller, d’être indifférent à tout ce qui se passe autour de lui, mais triomphe de toutes les situations sans jamais perdre sa sérénité.

Cette comparaison s’applique bien à Ourasi.

 

Ourasi effectue son retour à Vincennes le dimanche 11 janvier 1987, à l’occasion du Prix de Belgique (2 650 m), dernière répétition avant le Prix d’Amérique. C’est un beau challenge qui s’offre à lui, gagner les quatre préparatoires en plus du Prix d’Amérique, du jamais vu !

Cette fois, ils sont tous là, y compris Poroto, le champion au bonnet jaune, mené par son entraîneur Louis Boulard. Malgré son handicap de 25 mètres, il va sans dire qu’Ourasi est le grand favori. On ne lui oppose d’ailleurs que les sérieux « clients » du premier poteau : Pan de la Vaudère, Poroto, Pabeilo et Olympio de Corseul, revenu dans un état magnifique.

Ogorek, comme Noble Atout, Minou du Donjon, Mon Tourbillon et Ourasi, doit rendre 25 mètres. Le caractère international de l’épreuve est assuré par deux trotteurs étrangers, l’allemand Megabucks, et le suédois La Rue Blue Chip. Le lot des 20 partants, le maximum autorisé, est complété par le beau Prince Royal, Paugayen Port, Petit Sam, Miss Cléville, Okéanos, Omnifer, Nodesso, Néric Barbès et Opprimé.

La prestation de Prince Royal sera suivie avec attention à ce niveau.

En fait, il ne manque que Potin d’Amour, Oligo, Ouragon et le jeune Quadrophénio, en dehors de quelques champions étrangers pour que la fête soit parfaite.

Le temps est beau, ensoleillé, mais comme toujours quand il fait beau en hiver, très froid, avec un vent glacial sur le plateau de Gravelle particulièrement exposé à ces rigueurs.

C’est une chance de voir pour la première fois ensemble : Poroto, Olympio de Corseul, face à Ourasi et Pan de la Vaudère, qui a vraiment impressionné dans le Prix de Bourgogne et aussi durant l’été 1986 (il a gagné le Critérium des 5 ans, le Prix de l’Etoile et le Prix d’Eté). Pour l’instant il s’annonce comme le nouveau dauphin d’Ourasi. L’ambiance est aussi au beau fixe ; tout le monde est là, tous les passionnés, et ceux qui s’intéressent avec une certaine sagesse à ce sport, qui est aussi une science, et toujours un spectacle.

Nodesso est l’un des mieux partis (avec Okéanos), mais le rythme imposé n’est pas très rapide, ce qui permet à Mon Tourbillon de refaire son handicap pour venir assez tôt parmi le peloton de tête. Ourasi lui n’a aucune difficulté à faire les extérieurs, tournant autour de ses adversaires, avec une supériorité insolente. Il prend la tête dans le dernier tournant, et dans la ligne droite, c’est vraiment lui et les autres. Nodesso perd des rangs ; à l’inverse, Pan de la Vaudère, Poroto et Olympio de Corseul en gagnent, courant leur vraie valeur et se montrant à la hauteur de leur réputation. Prince Royal est aussi à l’honneur, comme Minou du Donjon, refaisant beaucoup de terrain sur la fin. Bien sûr, dans un style impeccable, affichant une indéniable domination, Ourasi l’emporte en 1’17"2, nettement détaché de Pan de la Vaudère, qui en trottant 1’18’’1 se classe deuxième, une fois de plus, finissant bien. Poroto (1’18’’2), avec son bonnet jaune, n’a plus quitté le groupe de tête, se classant troisième dans un style convaincant. Olympio de Corseul, après avoir attendu au sein du peloton, termine bon quatrième en 1’18’’3. Prince Royal (1’18’’4) se fait remarquer avec sa cinquième place en pareille société. Viennent ensuite Petit Sam (1’18’’5), Nodesso (1’18’’6).

Minou du Donjon, huitième, est après Ourasi, le premier du second échelon.

Le trotteur allemand Megabucks se classe neuvième, juste devant Pabeilo.

Ourasi, Pan de la Vaudère, Poroto et Olympio de Corseul ont tellement bien couru, tous les quatre, que beaucoup en font les quatre favoris du prochain Prix d’Amérique. C’est oublier un peu vite que certains (Ogorek) ont peut-être caché leur jeu. Et puis on ne sait pas encore ce que la championne Grades Singing, cette fois devenue canadienne, va faire à Vincennes.

Ourasi, vêtu de sa belle couverture bleue, est revenu se faire applaudir par la foule admirative ; il vient de signer là sa quinzième victoire consécutive.


 

Ourasi, Philippe Renouf, Jean-René Gougeon : le trio gagnant !

Ourasi, Philippe Renouf, Jean-René Gougeon : le trio gagnant !

A une vingtaine de jours du Prix d’Amérique, Grades Singing est bien arrivée à Grosbois, le célèbre centre d’entraînement des trotteurs.

Cette petite (par la taille) pouliche a bien voyagé et semble se plaire en France, et notamment dans ce magnifique domaine, situé aux environs de Boissy-Saint-Léger.

Grades Singing s’est essayée avec bonheur à la piste de Vincennes ; certains affirment déjà qu’elle sera dans quelques jours la principale opposition pour Ourasi. Elle était menée par Jean-Pierre Dubois et tout le monde a pu admirer sa maniabilité et sa vélocité.

 

Grades Singing numérisation0021Grades Singing à Vincennes

 

 

Le mercredi 21 janvier, à quatre jours seulement du grand international, on apprend que Ruanito d’Arc, le champion des « R », maintenant menacé par Rainbow Runner, âgé seulement de 4 ans, sera au départ du Prix d’Amérique.

Il est vrai que sa robuste constitution et sa musculature précoce l’autorisent à tenter ce pari osé, d’autant qu’on peut craindre qu’il soit déjà en fin de parcours.

A Moissy-Cramayel, Ourasi s’entraîne avec Petit Sam et Olympio de Corseul.

Jean-René Gougeon a en effet décidé d’engager ces trois bons éléments dans la grande aventure du Prix d’Amérique. Si Ourasi, selon son habitude, ne laisse rien voir à l’entraînement, Olympio en revanche semble dans une forme éblouissante.

 

Ourasi---Olympio-de-Corseul-numerisation0026.jpg

A Moissy-Cramayel, Ourasi s’entraîne avec Olympio de Corseul, un « sparring-partner » de luxe, qui le battra dans le Prix René Ballière 1987.

 

 

Même programme à Grosbois pour Minou du Donjon, Ogorek et Pan de la Vaudère, qui tous les trois on fait du Prix d’Amérique leur principal objectif.

Par contre, Megabucks, le trotteur allemand jette l’éponge ; il renonce au Prix d’Amérique.

Le complexe Ourasi continue à faire des ravages ; après le forfait de Nodesso, ils ne sont plus que quinze engagés dans la grande course et il en faut obligatoirement 14, au minimum, pour que l’épreuve soit médiatisée comme support du pari quarté.

Or, on sait déjà qu’Okéanos et Ouragon sont des partants plus que douteux.

Narisso étant hongre, il ne pourra pas suppléer Ouragon cette fois, comme il l’a fait pour la Clôture du Grand National.

 

Samedi 24 janvier 1987, la veille du Prix d’Amérique, Prince Royal s’aligne en favori dans le Prix du Luxembourg (1 609 m), beaucoup plus à sa portée, malgré Paugayen Port, Prince Eregor, Pussy Cat, Dennison Hanover et Ouragan Céleste.

Ils ne seront que quinze au départ du Prix d’Amérique (2 650 m), le dimanche 25 janvier 1987, à 16 h 15.

Ourasi est le grandissime favori, comme rarement on ne l’a vu. Jamais un cheval n’aura autant été écrasé d’argent ! C’est à peine croyable. Il est donné favori par toute la presse hippique. Jacques Pauc dans Paris-Turf a choisi Ourasi, Pan de la Vaudère, Poroto et Olympio de Corseul, l’arrivée du Prix de Belgique. On ne tient plus compte de Mon Tourbillon, dont la pointe de vitesse si fameuse s’est émoussée avec le temps.

 

Permissionnaire, le cheval d’Albert Viel (comme Mon Tourbillon), ouvre le défilé avec le numéro 1. C’est un fils de Fleuronné et de Guerre Froide, entraîné par Jean-Pierre Viel et piloté par Paul Viel. Il a gagné 1 302 900 F. Il fait « écurie » avec Mon Tourbillon.

 

Poroto, le champion au bonnet jaune de Monsieur Albert Ostyn, est le numéro 2, avec 1 448 100 F de gains. Ce fils d’Esquirol et d’Emya, est conduit par Louis Boulard, son entraîneur.

 

Petit Sam, le numéro 3, avec son total de 1 657 000 F de gains, un fils de Florestan et de Talisca, appartenant au comte de Montesson, entraîné par Jean-René Gougeon, a été confié à Pierre Levesque. C’est un très gentil cheval, comme son nom le laisse supposer.

 

Pabeilo, le numéro 4, est un beau cheval noir, fils de Greyhound (comme Ourasi) et d’Eileen Barbès, appartenant à Monsieur Cantin, entraîné par Léopold Verroken, et mené par Bernard Oger, qui a gagné 1 791 100 F.

 

Ruanito d’Arc, l’audacieux « 4 ans », fils de Dianthus et de Naya du Pré, propriété de Daniel Paillot, un alezan très musclé malgré son jeune âge, est présenté par son entraîneur suédois Ulf Nordin ; avec son numéro 5, il a déjà 1 868 000 F à son compte en banque.

 

Le beau Olympio de Corseul, numéro 6, 1 995 400 F de gains, est un fils d’Enguerillero et de Jolie Vagabonde, appartenant à Madame Annie Lipszyc, entraîné par Jean-René Gougeon ; il est confié à Alain Laurent.

 

Pan de la Vaudère, l’un des chevaux les plus en vue, a le numéro 7, avec 2 993 250 F de gains. Ce fils de Ruy Blass IV et de Kina de la Vaudère, petit-fils de Kerjacques par son père, est entraîné par son propriétaire Louis Decaudin, et piloté par Jean-Claude Hallais.

 

Néric Barbès, le numéro 8, fils de Caprior et de Floralie Barbès, entraîné par André Francis Bigeon, son propriétaire éleveur, avec 3 036 060 F de gains, est conduit par Jean-Luc Bigeon. Des problèmes de jambes l’ont tenu longtemps éloigné des pistes.

 

Ogorek, le fils de Borgia III et de Fly, entraîné par Jean-Lou Peupion, appartenant à Jean Pachoud, avec ses 4 640 270 F de gains et son numéro 9, est confié à Michel Roussel.

 

Oligo, le numéro 10, fils d’Ersin et de Cily Port, gagnant du « Cornulier » pour la deuxième fois, appartenant à M. Joël Dujarrier, avec ses 4 731 500 F de gains, est piloté par Joël Hallais, son entraîneur.

 

Noble Atout, le numéro 11, fils d’Ura et de Tierce d’Atout, appartenant à la Marquise de Moratalla, avec ses 5 084 258 F de gains, est présenté par son entraîneur Jan Kruithof.

 

Minou du Donjon, le bel alezan, est un fils de Quioco très signé et de Geribia, elle-même fille de Kerjacques ; avec son numéro 12, et 6 544 290 F de gains, il est conduit par Michel-Marcel Gougeon, le frère de Jean-René.

 

Ourasi a le numéro 13, alors qu’il est plus riche que Grades Singing, avec 8 594 260 F de gains. Jean-René Gougeon ne laisse à personne le soin de mener son plus brillant élève, un fils de Greyhound et de Fleurasie. On dirait que les tribunes vont s’effondrer sous les tonnerres d’applaudissement à son passage. Il est écrasé d’argent à la cote incroyable de 1/10 (0,5/1), du jamais vu ! S’il gagne, et c’est probable, il fera 0,50 F. Pas de quoi s’acheter un carambar.

 

Grades Singing a donc hérité du numéro 14, avec ses 6 665 560 F de gains. Superstition ou galanterie ? Cette fille de Texas et de Singing Bay est à la fois la seule femelle et le seul concurrent étranger dans ce Prix d’Amérique. Son père Texas, second de Green Speed dans l’Hambletonian 1977, a gagné le Kentucky Futurity la même année.

Hervé Filion n’ayant pu faire le déplacement, c’est Jean-Pierre Dubois, à la demande de Gratien Deschesnes, qui s’assoit au sulky de la petite championne, avec laquelle il semble bien s’entendre. La feuille d’érable ornant sa casaque blanche indique bien qu’elle représente le Canada, même si son père s’appelle Texas. Avec une cote de 19/1, elle est le second favori.

 

Mon Tourbillon ferme la marche avec son numéro 15. Le cheval d’Albert Viel est le plus riche du lot (pour l’instant) avec 9 417 482 F de gains. Ce fils d’Amyot et de Tornade IV est entraîné et piloté par Jean-Pierre Viel. Il faut croire qu’il est né un jour de tempête, comme sa mère sans doute, pour avoir hérité d’un tel nom. Lui aussi a droit à son petit succès auprès du public. Il est d’ailleurs coté 21/1. Il est très beau, mais il le sait, c’est un vrai cabotin.

 

Comme Ourasi est archi-favori, les cotes à la gagne sont astronomiques, même pour les chevaux en vue pour les places : Poroto, Olympio de Corseul.

 

En ce jour de Prix d’Amérique, les tribunes archicombles ne peuvent contenir tout le public, qui a envahi tous les espaces possibles.

La garde républicaine a conduit comme chaque année le défilé des chevaux champions, présentés plus haut. Il fait un froid glacial, mais bien sûr, l’ambiance qui règne depuis quelques minutes empêche le public passionné de s’en rendre compte.

 

Après le dernier « heat » d’échauffement, les trotteurs sont appelés au départ.

C’est Minou du Donjon, qui se montre le plus impatient de prendre le commandement. Il est suivi par Pabeilo, Noble Atout, Pan de la Vaudère et Oligo.

Ourasi, bien parti pour une fois, n’est pas loin d’eux.

Oligo rejoint Minou du Donjon en tête.

Olympio de Corseul a raté son départ. Ruanito d’Arc, lui aussi mal parti, contourne le peloton dans la descente, comblant rapidement son retard.

Poroto, très reconnaissable avec son bonnet jaune porté bien droit, a lui aussi rapidement rejoint Minou du Donjon, Oligo et maintenant le « jeunot » Ruanito d’Arc, à la tête du peloton. Ourasi se place un instant dans le dos du « 4 ans » d’Ulf Nordin, espérant qu’il l’emmènera dans son sillage, mais le « bébé-champion » n’insiste plus.

Ourasi se voit donc obligé de passer en cinquième épaisseur, ce qui devient une formalité chez lui. A ce moment-là, un remous agite le peloton.

Pan de la Vaudère, sans doute gêné par un tassement, se met à la faute, et les juges aux allures s’empressent de le disqualifier. Louis Decaudin doit verdir dans les tribunes.

Mon Tourbillon est gêné à son tour et ne peut éviter de heurter le sulky du cheval fautif.

Habilement, Jean-Pierre Dubois place Grades Singing en dehors du groupe, lui évitant ainsi les mêmes désagréments.

Oligo mène toujours dans un style et un trot impeccables.

Ourasi a grimpé la montée en 37’’ pour se retrouver derrière lui.

Ogorek se rapproche également, tout en entraînant Noble Atout, Néric Barbès et la petite jument canadienne Grades Singing. Elle accroche l’œil des connaisseurs par son style élégant et très souple à la fois.

C’est à ce moment-là que Jean-René Gougeon fait signe à Ourasi d’attaquer.

Le champion a compris. Il couche les oreilles en arrière, prend le mors aux dents, s’allonge comme un avion, cloue Oligo sur place et lâche tous les autres aussi, sans craindre de les humilier ; il s’envole littéralement vers la gloire, vers une victoire incroyable, multipliant les longueurs à l’arrivée.

Le public s’enflamme. Les poings se dressent vers le ciel. Les cris montent de partout.

Il y a vraiment deux courses, celle d’Ourasi, tout seul loin devant, et à plusieurs longueurs derrière lui, celle des autres pour la deuxième place, qui revient finalement à Grades Singing, la petite pouliche canadienne.

Et l’on a besoin de la photographie pour savoir qui de Noble Atout, Oligo, Néric Barbès et Ogorek a pris la troisième place, alors qu’Olympio de Corseul, bloqué par cette barrière de chevaux, doit se contenter de la septième, malgré des ressources évidentes.

Finalement, c’est Ogorek, qui hérite de la troisième place devant Noble Atout, Oligo et Néric Barbès. Olympio de Corseul se classe ensuite, devant Permissionnaire, lui-même devançant son compagnon d’écurie Mon Tourbillon et Petit Sam.

Pabeilo, Poroto, dont les pieds fragiles ont souffert de la piste dure, Minou du Donjon, vidé, et Ruanito d’Arc terminent non placés.

Pan de la Vaudère, le grand malchanceux, étant le seul à être disqualifié.

 

Ourasi est crédité de 1’16’’9, alors que Grades Singing fait afficher 1’17’’3, Ogorek, Noble Atout, Oligo et Néric Barbès tous les quatre 1’17’’4, et Olympio de Corseul, qui finit bien après être mal parti, 1’17’’6.

Non seulement Ourasi a gagné son deuxième Prix d’Amérique tout en restant invaincu depuis le précédent, mais il a réussi l’exploit de remporter les quatre courses préparatoires en plus du Prix d’Amérique, ce qui ne c’était jamais vu.

Grades Singing elle fait aussi bien qu’Elma, sa grand-mère paternelle, qui s’était classée deuxième de Roquépine dans le Prix d’Amérique 1966.

 

Dans les bras de Jean-René Gougeon, Rachel Tessier s’est transformée en fontaine de larmes sous l’émotion. Raoul Ostheimer, avec un sourire béat, les yeux humides, semble sur un petit nuage ; il ne sait plus où il est. Seul Philippe Renouf garde les pieds sur terre pour écarter les badauds et les fans, qui se jettent sur Ourasi pour lui arracher les crins de sa crinière ou les poils de sa croupe, en guise de porte-bonheur.

Le crack est bombardé par les éclairs des photographes.

 

Jean-René Gougeon doit répondre aux nombreuses questions des journalistes :

- C’est un cheval fabuleux, un champion comme on en a jamais vu ! dit-il, à tous ceux qui le retardent, car il doit faire un tour d’honneur au sulky d’Ourasi devant la foule, qui les acclame lui et le cheval prodigieux.

 

C’est un spectacle incroyable, une journée qu’on ne peut oublier, celle du triomphe d’Ourasi. Jamais sans doute un cheval n’a été l’objet de tant de manifestations admiratives et de superlatifs. Ourasi c’est l’extraterrestre, dira-t-on encore longtemps. Jamais non plus il ne s’est montré si fort et si dominateur qu’en ce jour, celui de son deuxième Prix d’Amérique, de sa seizième victoire consécutive, qui est aussi le septième Prix d’Amérique de Jean-René Gougeon, qui en a gagné deux avec Roquépine, trois avec Bellino II, et déjà deux avec Ourasi. Il détient maintenant le record de victoires dans la plus grande des courses au trot internationales, ayant dépassé Alexandre Finn.

 

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Ourasi remporte le Prix d’Amérique 1987

 

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Jean-René Gougeon

 

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Jean-René Gougeon

 

 

 

Mais Ourasi n’a pas fini de nous étonner ; le dimanche en quinze, il gagnera aussi son deuxième Prix de France, réalisant ainsi par deux fois de suite, le fameux doublé Prix d’Amérique – Prix de France. Doublé qu’il réussira une fois encore en 1988.

 

Boudant toujours les voyages à l’étranger, il retournera pourtant se faire acclamer en Allemagne, à l’occasion de sa victoire dans le Grand Prix de Hambourg, ira aussi en Suède, à Göteborg, gagner le Grand Prix d’Aby, en Norvège, à Oslo, s’imposer dans le Grand Prix d’Oslo, et même aux Etats-Unis, à Cherry Hill, sur l’hippodrome de Garden State Park, à l’occasion d’un fameux duel contre Mack Lobell, le trotteur le plus rapide de tous les temps. (Il devancera Mack Lobell, mais sera battu sur le fil par Sugarcane Hanover, qui prenait ainsi sa revanche car il l’avait humilié à Göteborg).

 

Un pépin de dernière minute (blocage rénal) l’empêchera de gagner le Prix d’Amérique 1989, dans lequel il se classera troisième derrière Queila Gédé et Potin d’Amour.

Ayant fait l’impasse sur le Prix de France, il gagnera cette année-là le Prix de Paris devant Rêve d’Udon, auquel il rendait 25 mètres. Mais Rêve d’Udon prendra sa revanche sur lui dans le premier de ses deux Prix René Ballière (une course qui ne porte pas vraiment chance au grand champion de Raoul Ostheimer), dans lequel Ourasi blessé (il est tombé aux écuries) se classera cinquième derrière Rêve d’Udon, Napoletano, Quilon et Riton du Gîte.

 

Rêve d’Udon sera d’ailleurs le dernier trotteur français à triompher dans le Championnat du Monde à New York, en août 1990.

 

Enfin, le dimanche 28 janvier 1990, Ourasi sera le seul cheval à remporter une quatrième fois le Prix d’Amérique, alors qu’il a déjà gagné quatre fois le Grand Critérium de Vitesse de Cagnes-sur-Mer, et le Prix de l’Atlantique d’Enghien, ainsi que deux fois le Prix René Ballière (Championnat Européen).

Mais il avait déjà été battu dans cette course le 18 juin 1987, par son « camarade » d’entraînement, le très beau Olympio de Corseul, alors qu’il précédait Potin d’Amour. Olympio de Corseul fut aussi associé au triomphe d’Ourasi dans le Grand Prix du Sud-Ouest à Beaumont-de-Lomagne, en 1987, se classant deuxième de son glorieux « modèle », alors qu’Ouragon n’était que quatrième, et aussi à Caen, dans le Prix des Ducs de Normandie la même année, terminant troisième d’Ourasi dans cette épreuve qu’il avait remportée un an plus tôt. Mais en 1988, Ourasi, tombé dans un piège, perdit cette course du plus court des nez au profit de Quiton du Corral, malgré une remontée fulgurante.

 

Avec près de 22 millions de francs de gains, Ourasi deviendra le trotteur le plus riche du monde et se verra aussi qualifié de trotteur du siècle.

 

Pour finir, Ourasi réapparaitra à Vincennes en janvier 2004, à l’occasion du Prix d’Amérique, où il sera à l’honneur pour ouvrir le défilé, en présence de Jean-René Gougeon, assis dans une Cadillac, le crack étant mené par « Minou » Gougeon, le frère de Jean-René, avec lequel il remporta ses dernières victoires et notamment son quatrième Prix d’Amérique.

 

Ourasi s’est éteint le samedi 12 janvier 2013 à l’âge de 33 ans, au haras de Gruchy, dans le Calvados.

 

Quinze jours après son doublé du Prix d’Amérique, on retrouve donc Ourasi au départ du Prix de France (2 100 m), avec cette fois le grand absent du Prix d’Amérique, le beau Prince Royal, ce fils de Fakir du Vivier effectuant une sorte de test à ce niveau. Ourasi a tiré le numéro 3 derrière l’autostart. Pan de la Vaudère, Mon Tourbillon, Minou du Donjon rêvent de revanche. Ils tentent d’enfermer Ourasi à la corde, alors que Prince Royal prend la tête et le large dans un forcing quasi suicidaire. Pourtant, Ourasi parvient à temps à se sortir du piège, rattrape Prince Royal, qui a demandé à souffler, le dépasse sans peine pour filer au poteau de la victoire, vainement poursuivi par Ogorek. Ourasi s’offre en prime un record de 1’14’’, Ogorek et Prince Royal, malgré leurs brillants efforts, devant se contenter des places d’honneur. C’est le deuxième doublé Prix d’AmériquePrix de France pour Ourasi !

 

Prince-Royal-n0001.jpgPrince Royal

 

 

A l’occasion du Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur (1 609 m), Grades Singing retrouve Hervé Filion, le célèbre driver canadien, qui a fait le déplacement exprès pour elle.

Ourasi et Mon Tourbillon, les deux derniers lauréats de cette grande épreuve sont encore au départ. Prince Royal a également fait le déplacement sur la Côte d’Azur, mais pas Pan de la Vaudère, qui a beaucoup déçu son entourage dans le Prix de France.

Après le défilé traditionnel, Dennison Hanover et Grades Singing déboulent le plus vite derrière l’autostart. Ourasi et Prince Royal, gênés par un concurrent à la faute, ont joué de malchance et se retrouvent aux derniers rangs. L’italien Dorsten est au galop et son driver tente maladroitement de le reprendre. Mais ils s’accrochent avec Prince Royal. Catastrophe ! Philippe Verva, le driver de Prince Royal est projeté dans les airs, avant de retomber brutalement sur la piste. On craint le pire. Prince Royal, qui a perdu son pilote, poursuit la course au grand galop. Ourasi a rejoint Grades Singing en tête. Il la dépasse sans égard pour s’octroyer la victoire et le record en prime, record de la course, record de la piste ! 1’14’’ à nouveau. L’ancien record, 1’14’’1, était l’apanage d’Hadol du Vivier, que drivait aussi Jean-René Gougeon. Grades Singing est bonne deuxième, Mon Tourbillon troisième à distance respectable de la petite jument canadienne.

Jean-René Gougeon se fait photographier avec son ami canadien, Hervé Filion, tout en répondant aux questions de Lionel Ovadia. La Marseillaise retentit. Ourasi est entouré d’admirateurs, que surveillent Philippe Renouf du coin de l’œil.

 

Le 21 mars 1987 est le jour du mariage de Raoul Ostheimer et de Christiane Beuriot à Saint-Etienne-l’Allier. Entre Christiane et Rachel, l’ex-femme de Raoul, c’est la guerre. Rachel veut sa part de gains, la moitié de ceux obtenus par Ourasi, mais Christiane s’y oppose. En tant que femme divorcée depuis quatorze ans, Rachel selon elle n’a droit à rien. Rachel conduit l’affaire devant les tribunaux.

 

Le 18 avril 1987, Ourasi remporte pour la deuxième fois aussi, le Prix de l’Atlantique (2 150 mètres) d’Enghien, avec près de trois longueurs d’avance sur Prince Royal et Navigo ! Tous les paris sont remboursés tellement il y a de gagnants.

 

Le 26 avril 1987, Ourasi et Olympio de Corseul se rendent à Beaumont-de-Lomagne pour le Gand Prix du Sud-Ouest (2 400 m), où l’on espère assister à une belle confrontation avec Ouragon, le crack des pistes plates provinciales. Mais il se contente de la quatrième place, derrière Ourasi, Olympio de Corseul, qui a longtemps fait illusion pour la victoire, histoire de mettre un peu de suspense, et le petit Permissionnaire, qui tente de remplacer Mon Tourbillon.

Les sportsmen trouvent qu’Ourasi exagère lorsqu’il se rend à Caen pour le Prix des Ducs de Normandie (2 100 m), en compagnie d’Olympio de Corseul, qui n’est autre que le tenant du titre, au lieu d’aller à Solvalla courir l’Elitloppet. D’ailleurs, les dirigeants ont dû modifier au dernier moment les conditions de course pour pouvoir l’accueillir, car Ourasi n’était pas engagé dans cette épreuve, qui a pourtant failli lui échapper, tant Olaf de Brion a fini vite, soufflant la deuxième place à Olympio et menaçant sérieusement Ourasi pour la victoire.

 

22 ! Ourasi remporte sa vingt-deuxième victoire consécutive en nocturne à Vincennes à l’occasion du Prix de la Société d’Encouragement (3 025 m) dans lequel il retrouve Potin d’Amour, qui sera le seul en mesure de lui offrir une bonne réplique, mais devra bien sûr se contenter de la deuxième place. Ouragan Céleste, Marpheulin et Nobody de Retz, malgré leurs 25 mètres d’avance n’ont rien pu faire contre les deux cracks. C’est à partir de cette date du 5 juin 1987 que Potin d’Amour prend la place de Mon Tourbillon en tant que premier dauphin d’Ourasi.

 

 

Potin d'Amour

Potin d'Amour

Le 18 juin 1987 est un jour qui a marqué l’histoire, celle d’Ourasi du moins. A l’occasion du Prix René Ballière (2 100 m), Ourasi est battu par Olympio de Corseul, son compagnon d’entraînement, que drive « Minou » (Michel-Marcel) Gougeon, et que les parieurs ont laissé partir à la cote de 77/1 ! Potin d’Amour, cette fois, n’est que troisième. On savait pourtant qu’Ourasi était moins bien (comme toujours à cette époque de l’année), alors qu’Olympio n’avait jamais été aussi bien préparé. Cette course fit beaucoup parler les mauvaises langues, et rager les mauvais perdants. Il est vrai qu’elle devait servir à la vente de la moitié des parts d’Ourasi, qui se retrouva ainsi syndiqué dans une copropriété. La transaction a été rondement menée par un courtier bien connu dans le domaine des courses de chevaux, Frédéric Sauque. Bien sûr : le comte Pierre de Montesson et Didier van Themsche ont été parmi les premiers acheteurs.

Christiane Beuriot et Jean-René Gougeon, lui-même, ont réussi à persuader Raoul Ostheimer, qu’il perdrait de l’argent s’il ne vendait pas maintenant la moitié des parts d’Ourasi, autrement dit celles qui auraient dû revenir à Rachel Tessier.

Annie Lipszyc et Antoine Apra eux étaient ravis de la victoire de leur cheval, le beau Olympio de Corseul, et du bon tour qu’il avait joué à Ourasi, pour lequel il avait trop souvent et trop longtemps servi de « lièvre » ou de « faire-valoir ». Car si Ourasi lui n’était jamais malade, ce n’était pas le cas du fragile Olympio, qui souffrait du foie et des jarrets, et pour lequel on ne comptait plus les visites chez le vétérinaire.

 

Ourasi effectue une rentrée discrète dans le Prix du Bourbonnais (2 675 m), avec une pénalité de 25 mètres, se contentant d’une modeste huitième place, le 10 décembre 1987.

Il attend le 2 janvier 1988 pour renouer avec la victoire dans le Prix de Bourgogne (2 300 mètres), qu’il remporte en 1’16’’, loin devant Quartz, le dernier vainqueur du Critérium des 5 ans, sur une piste transformée en bourbier par la pluie incessante.

 

Pour qu’elle mette fin à ses actions en justice et renonce au mauvais tapage qu’elle répand dans les journaux, le syndicat « Ourasi » propose quatre millions de francs à Rachel Tessier, ainsi que quatre parts, mais elle refuse cette offre en alléguant qu’elle ne fait pas la mendicité.

 

Ourasi rend 25 mètres dans le Prix de Belgique (2 675 m), le dimanche 17 janvier 1988, ce qui ne l’empêche pas de gagner en temps record, 1’15’’6 ! Quiton du Corral est un bon deuxième à une encolure, devant Poroto et Permissionnaire.

 

Revenu enfin à son meilleur niveau, Ourasi n’a aucune peine à remporter son troisième Prix d’Amérique (2 650 m), le dimanche 31 janvier 1988, dans le temps de 1’15’’7. C’est le premier vainqueur du Grand Prix de l’U.E.T., le suédois Mack the Knife, drivé par Stig H. Johansson, qui prend la troisième place devant Potin d’Amour, Poroto, Quartz et Quito de Talonay. Permissionnaire est un surprenant deuxième, lui qui avait du mal à rivaliser avec un trotteur du niveau d’Original sur les pistes de province (comme le fera remarquer un journaliste) quelques mois plus tôt. Il récidivera pourtant à la deuxième place d’Ourasi dans le Prix de France, avant de s’éteindre dans le Prix de Paris et d’être vendu aux Haras Nationaux. Le monde des courses n’est pas toujours ce qu’on voudrait qu’il soit.

 

Ourasi remporte le Prix d’Amérique 1988

Ourasi remporte le Prix d’Amérique 1988

Lou Guida, un courtier américain bien connu dans le monde des courses hippiques, n’a qu’un rêve : que son champion, le trotteur américain Mack Lobell, déjà vainqueur de l’Hambletonian en temps record, et premier trotteur à avoir franchi la barre des 1’10’’, soit reconnu comme le meilleur du monde ! Pour cela, il aspire à une confrontation au sommet avec Ourasi ; et il va tout essayer pour que cette rencontre improbable devienne possible. Il commence par lancer un défi à Ourasi par le biais de la presse hippique, en le traitant de « French Poltron », prenant pour prétexte le fait qu’Ourasi refuse de courir à l’étranger.

 

Ourasi, qui a rejoint Uranie, Roquépine et Bellino II dans la légende en remportant comme eux trois Prix d’Amérique, gagne aussi son troisième Prix de France (2 100 m), le dimanche 14 février 1988, devant le « même Permissionnaire », et le même Prince Royal, déjà troisième de cette épreuve l’an passé. Ourasi a trotté sur le pied de 1’13’’9, presque aussi vite que Lurabo (1’13’’7) en 1984.

 

En attendant une réponse des Italiens, qui l’ont invité pour le Grand Prix de la Loterie de Naples, Ourasi retourne à Cagnes-sur-Mer remporter son troisième Grand Critérium de Vitesse de la Côte d’Azur (1 609 m), en établissant le nouveau record de 1’12’’7, qui devient aussi le record de France et sans doute aussi du monde sur piste de 1 200 mètres !

Potin d’Amour se classe deuxième devant Grades Singing, qui a été vendue à une écurie suédoise, et est désormais drivée et entraînée par Olle Goop.

 

Le déplacement en Italie est annulé, le camion spécial exigé par Gougeon et Sauque coûte trop cher aux Italiens et le Syndicat « Ourasi » refuse de payer, en plus une grève des lads menace de perturber le bon déroulement de l’épreuve sur l’hippodrome de Naples.

Alors Ourasi retourne à Enghien gagner pour la troisième fois le Prix de l’Atlantique (2 150 mètres), en 1’15’’1, nouveau record de l’épreuve, avec trois longueurs d’avance sur Quiton du Corral, Quartz et Rainbow Runner, qui se disputent la deuxième place.

 

Le 22 mai, Ourasi revient sur l’hippodrome de Caen, celui de ses débuts, pour le Prix des Ducs de Normandie (2 100 m), qu’il a déjà gagné l’an passé, mais de peu face à Olaf de Brion. Cette fois-ci ses plus dangereux adversaires sont Quartz et Quiton du Corral, l’un mené par Jean-Claude Hallais, l’autre par son frère, Joël Hallais, qui a juré de prendre sa revanche sur Ourasi avec son cheval. Pour l’aider dans sa tâche, il a emmené aussi, un autre de ses élèves, Quipo de Couronne, (à ne pas confondre avec Quito de Couronne, cheval plus connu au niveau classique, ancien dauphin de Quadrophénio). Or, Royal Ludois, un bel alezan au trois balzanes blanches, avec une large liste en tête joliment dessinée, que mène Philippe Allaire, semble bien décidé à s’allier aux frères Hallais pour piéger Ourasi. Les autres bons chevaux de cette course sont la jument Olvera, Pontaubault, et Quadrophénio, l’ancien leader de sa génération à quatre ans, mais qui a depuis plusieurs saisons perdu son moral de vainqueur. En fait, ces six chevaux vont se liguer contre Ourasi afin de l’enfermer dans la « boîte ». Royal Ludois va mener un faux train et permettre à Quiton du Corral de prendre la tête au moment crucial, imposer son rythme et filer au poteau de la victoire. Mais Jean-René Gougeon décide d’arrêter Ourasi, de le placer au dernier rang, avant de le relancer dans la bataille. Le champion effectue alors une remontée fulgurante ; il va si vite qu’il s’emmêle un peu les jambes dans le dernier virage, et donne vraiment l’impression d’avoir gagné... Il aurait gagné c’est sûr dans la battue suivante. Mais le poteau est arrivé trop tôt et Quiton du Corral a pu conserver un bout de nez sur la photo-finish, qui lui confère la victoire. Pourtant, on retiendra surtout de cette course l’incroyable remontée d’Ourasi, qui a frôlé l’exploit et accompli-là l’une de ses performances les plus spectaculaires.

 

Sugarcane Hanover, qui avait été élu meilleur trotteur d’âge américain, avant d’être vendu en Norvège pour 12 millions de francs, fait « un truc », dans le Grand Prix d’Oslo, sur l’hippodrome de Bjerke, non seulement il bat de plus de 25 mètres, Rex Rodney, l’ancien idole des Norvégiens, le français Rainbow Runner, et Callit, l’actuel champion du monde, mais il pulvérise en 1’12’’5 le record du monde sur 2 100 mètres.

Gérard Niford, le reporter photographe et journaliste hippique français, qui a assisté à la course n’hésite pas à dire et à écrire, qu’il sera bientôt le grand adversaire d’Ourasi, qu’il pourrait bien le faire vaciller de son trône.

Napoletano, le dauphin de Mack Lobell, qu’il a battu quelque fois, lui gagne de 25 longueurs sur le mile aux Etats-Unis. Or, tous ces champions ont rendez-vous avec Mack Lobell à Solvalla le jour de l’Ellitlopet (1 609 m), le 29 mai 1988.

Lou Guida, le propriétaire de Mack Lobell, écrit dans la presse spécialisée américaine, dommage qu’Ourasi « le meilleur trotteur d’Europe » n’ose pas affronter les meilleurs trotteurs américains en Suède.

Or, l’Elitloppet tient toutes ses promesses : Sugarcane Hanover bat Napoletano dans son épreuve de qualification, et Mack Lobell s’impose dans la sienne, devant Nealy Lobell et Grades Singing, alors que Potin d’Amour n’est que cinquième, ce qui fait sourire Lou Guida, et le conforte dans son jugement : Mack Lobell ne va faire qu’une bouchée d’Ourasi !

Dans la finale, Mack Lobell, meilleur que jamais, s’impose de cinq longueurs devant Sugarcane Hanover et Napolenato, tout en pulvérisant le record de l’épreuve, en 1’11’’3 !

Mack Lobell remporte la finale de l’Elitloppet 1988 en temps record (1’11’’3), loin devant Sugarcane Hanover et Napoletano.

Mack Lobell remporte la finale de l’Elitloppet 1988 en temps record (1’11’’3), loin devant Sugarcane Hanover et Napoletano.

Lou Guida, le célèbre courtier, et son champion Mack Lobell

Lou Guida, le célèbre courtier, et son champion Mack Lobell

Mack Lobell a dû revenir fatigué de son périple en Scandinavie, car pour son retour sur les pistes américaines, il est d’abord sérieusement menacé par le minuscule Go Get Lost, qu’il devance d’un nez à New York, puis est finalement battu par le même Go Get Lost à Meadowlands dans le Statue of Liberty Trot.

 

Le 16 juin, Ourasi lui remporte en 1’15’’5 le Prix René Ballière (Championnat Européen, sur 2 100 m) dans lequel Potin d’Amour, dans un bon jour, lui donne une formidable réplique pour n’être battu en finale que d’une courte encolure. C’est Quartz qui conclut à la troisième place. On a longtemps cru ce jour-là que Potin d’Amour allait battre Ourasi, avant que celui-ci ne réagisse pour se montrer le plus fort dans les derniers mètres.

Ourasi remporte le Prix René Ballière 1988 devant Potin d’Amour

Ourasi remporte le Prix René Ballière 1988 devant Potin d’Amour

C’est à l’issue de sa victoire dans le Prix d’Europe (2 825 m) d’Enghien, par une chaude journée d’été, le 31 juillet 1988, qu’on apprend de la bouche de Jean-René Gougeon, au micro de Jean-François Pré, qu’Ourasi ira courir en Suède au mois de septembre, à Göteborg, pour le Grand Prix d’Aby, et rencontrera ensuite Mack Lobell aux Etats-Unis, durant le mois de novembre, afin de faire taire toutes ces rumeurs à propos du « French Poltron ».

 

Le même jour, sur ce même hippodrome d’Enghien, Napoletano ridiculisait Sabre d’Avril dans le Prix de Milan.

 

Léopold Verroken prête à son ami Jean-René Gougeon le van, qui va transporter Ourasi par la voie des airs, d’abord en Suède, à Göteborg, puis à Philadelphie, aux Etats-Unis ; ce camion aménagé pour le transport des chevaux de courses, est en effet adapté pour voyager dans les cargos aériens du type Hercules C130, c’est-à-dire l’avion, qui doit transporter le champion de Raoul Ostheimer, d’abord en Scandinavie, puis au mois de novembre aux USA. Napoletano, qui a stationné à Grosbois, chez le Suédois de France, Stig Enberg, est aussi du voyage, car il a lui aussi une épreuve à disputer à Göteborg, avant la rencontre au sommet, qui est finalement prévue  sur l’hippodrome de Garden State Park, près de Philadelphie, dans la petite ville de Cherry Hill. La date étant fixée dans la nuit du 17 novembre 1988.

Philippe Renouf, le fidèle lad du champion, est heureux de constater qu’Ourasi aime les voyages en avion ; il observe le paysage et s’intéresse à tout ce qu’il découvre.

Ourasi et Napoletano arrivent à Göteborg, trois heures et demie plus tard, et sont dirigés aussitôt vers l’hippodrome d’Aby, où les attendent les deux boxes mis à leur disposition.

Comme à son habitude, Ourasi ne laisse rien voir de son état de forme durant son heat d’échauffement, se contentant de traîner les sabots comme un vulgaire cheval de labours. Par contre, il observe attentivement les alentours et s’intéresse tout particulièrement aux panneaux publicitaires géants, notamment ceux qui lui souhaitent la bienvenue et le présentent comme le « meilleur cheval de courses du monde ».

Le départ est donné à l’autostart et Ourasi se laisse prendre de vitesse par certains de ses adversaires, dont le champion du Danemark, Meadow Roland, qu’il ne faut pas confondre avec Meadow Road, le héros suédois de l’Elitloppet de Solvalla et du Statue of Liberty Trot de Meadowlands, en 1985, comme l’ont malheureusement fait certains auteurs. C’est donc ce Meadow Roland, qui s’est montré le plus rapide pour prendre à la fois la tête et la corde. Puis il ralentit pour imposer un faux train. Jean-René Gougeon parvient à dégager Ourasi du piège, qui se refermait sur lui et rejoint le leader en tête. Ourasi augmente sa vitesse et oblige le danois à accélérer. Meadow Roland s’exécute, mais ralentit à nouveau à l’endroit où il sait que le français n’osera pas attaquer. Le cheval danois va poursuivre son petit jeu jusqu’au moment où Sugarcane Hanover, passe à l’action, en revenant de l’arrière-garde à une allure à peine croyable. Sugarcane Hanover arrive le premier dans la ligne droite avec une bonne longueur d’avance sur Ourasi alors qu’il reste moins de deux cents mètres de course. Les tribunes s’agitent, on sait que le nouveau crack norvégien ne peut plus être battu. Les Français se désolent. Ourasi a perdu. Tout le monde le croit, sauf lui. A cet instant, Ourasi est en effet le seul à savoir qu’il va gagner. Il couche les oreilles en arrière, prend le mors aux dents, gonfle ses muscles, fume par les naseaux, jette des regards flamboyants de terreur, avec la rage de vaincre dans les yeux. Il ne reste plus que cinquante mètres à Ourasi pour rejoindre Sugarcane Hanover, ce qu’il fait à une vitesse ahurissante. Personne ne peut y croire, à commencer par Sugarcane Hanover lui-même, qui surpris par la soudaine attaque de son rival s’emmêle les crayons, explose sous l’effort et se voit disqualifier. Ourasi franchit en vainqueur la ligne d’arrivée, à plusieurs longueurs du deuxième, qui n’est autre que le danois Meadow Roland, celui qui a tenté de jouer un si vilain tour au champion français. Temps du vainqueur 1’14’’5, ce qui n’est pas si mal pour une course aussi étrange.

Le public, émerveillé, fait un triomphe à Ourasi, comme jamais encore il n’en a connu même après ses victoires dans le Prix d’Amérique. Raoul Ostheimer et Christiane, sa nouvelle épouse, fondent en larmes dans les bras l’un de l’autre. Jean-René Gougeon lui-même est blème d’effroi ; il sembre ne pas réaliser, qu’il vient de gagner au sulky d’Ourasi.

 

Napoletano lui n’eut pas les mêmes déboires pour s’imposer en 1’12’’6 sur 1 240 mètres.

Ourasi bat Sugarcane Hanover, à Göteborg, dans le Grand Prix d’Aby 1988

Ourasi bat Sugarcane Hanover, à Göteborg, dans le Grand Prix d’Aby 1988

Meadow Roland

Meadow Roland

Pour parfaire la condition d’Ourasi avant sa rencontre au sommet avec Mack Lobell, Jean-René Gougeon accepte toutes les courses qu’on lui propose, notamment celles qui se disputent sur le mile (1 609 m), distance qui sera celle du « match du siècle » aux USA. C’est ainsi qu’il s’en va courir le Grand Prix de Hambourg (1 609 m) en Allemagne, le 9 octobre 1988. Là, Ourasi n’a pas vraiment d’adversaires à sa mesure, les meilleurs étant Brendy, le champion du pays, le suédois Edwyn Turf, et surtout le nouveau finlandais Friendly Face, récemment acheté aux Américains, qui comme son nom l’indique à une jolie tête. Pour être sûrs d’avoir Ourasi au départ de leur grand prix, les organisateurs allemands ont accepté de modifier le règlement de la course, en supprimant les batteries de qualification, afin de limiter l’épreuve à une seule manche. « Ourasi dicte sa loi ! » ont titré les journaux parisiens. Frédéric Sauque, comme à chaque déplacement du champion français à l’étranger, s’est assuré que les organisateurs prennent en charge les frais de transport, ce qu’ils font plutôt volontiers, la seule présence d’Ourasi sur un hippodrome faisant l’effet d’une immense publicité, attirant des millions de turfistes, touristes, badauds ou curieux de voir le seul cheval au monde, qui suscite tant d’intérêt. Le jour de la course, une pluie diluvienne a transformé la piste en bourbier, mais cela ne devrait pas gêner Ourasi, qui a déjà gagné en pareil cas, notamment à Vincennes contre Quartz. Comme à Göteborg, les tribunes sont pleines à craquer. Ourasi est une rente. Tout le monde parle de son match au sommet contre Mack Lobell, mais le conflit qui oppose les propriétaires du cheval intéresse aussi les médias, tout autant que l’étonnante personnalité d’Ourasi, le champion flegmatique, que certains, à l’exemple d’Homeric, l’écrivain-journaliste et ancien jockey, ne vont pas tarder à appeler « le roi fainéant ». Il pleut toujours et la nuit tombe déjà quand les chevaux entrent en piste. Ourasi ne veut pas avancer. Comme en Suède, il s’intéresse à tout ce qu’il découvre. Il visite. C’est un touriste curieux de tout. Au passage d’Ourasi et de Jean-René Gougeon, les applaudissements montent de partout. « Ourasi, va-s-y ! » crie en français un spectateur allemand. Mais Ourasi s’arrête subitement et se fige sur place. Comme toujours, il n’en fait qu’à sa tête et c’est lui qui commande, Gougeon n’a qu’à obéir et se plier à ses exigences ou ses caprices de star. Comme souvent, Ourasi est lent au démarrage de la course, puis il attend d’avoir passé le premier tournant pour venir en deuxième position à l’extérieur. Au dernier virage, Ourasi passe en tête. Il entame la dernière ligne droite avec cinq longueurs d’avance. Les autres sont largués et ont du mal à le suivre à distance. Ourasi prend six, puis sept, huit longueurs d’avance ou plus avant de franchir enfin le poteau de la victoire. Le chronométrage d’Ourasi indique une réduction de 1’14’’6, ce qui ne veut rien dire vu l’état de la piste. Comme le voulait la logique, c’est Friendly Face, l’ex-américain devenu finlandais, qui conduit le peloton et prend donc la deuxième place à distance d’Ourasi, mais devant Reado, un cheval allemand. Le public acclame le champion et ses propriétaires pleurent de joie, la routine quoi !

Ourasi remporte le Grand Prix de Hambourg 1988

Ourasi remporte le Grand Prix de Hambourg 1988

On apprend peu après que « le match du siècle » opposant Ourasi à Mack Lobell aura bien lieu sur l’hippodrome de Garden State Park, à Cherry Hill, dans la périphérie de Philadelphie. La distance sera le mile, 1 609 mètres, et en plus de Mack Lobell, Ourasi devra affronter également Sugarcane Hanover et Napoletano. Tous les frais de transport d’Ourasi et de son entourage seront pris en charge par les organisateurs américains de la course. En outre, ces mêmes dirigeants américains interdiront à Napoletano de rencontrer Ourasi à Amiens, comme cela était prévu afin de ménager le suspense jusqu’au jour prévu de la confrontation, c’est-à-dire la nuit du 17 novembre 1988. Comme pour la Suède, Ourasi montera dans l’avion, un Boeing 747 d’Air France, sans descendre de son camion, le van prêté par Léopold Verroken.

 

La dernière course préparatoire d’Ourasi, avant sa rencontre avec Mack Lobell, a lieu en nocturne à Amiens, dans la Somme, en Picardie, sur l’hippodrome du Petit-Saint-Jean, là où Jorky, un cousin illustre d’Ourasi, a battu le fameux Iris de Vandel, en 1981, là où Hadol du Vivier a établi son non moins fameux record, en 1978.

Comme en ces temps de gloire, Amiens et son hippodrome du Petit-Saint-Jean ont revêtu un air de fête. Napoletano n’a pas fait le déplacement pour respecter les conditions imposées par les dirigeants de Garden State Park. Mais Olympio de Corseul est du voyage avec Ourasi. S’il avait couru sa vraie valeur, il aurait pris la deuxième place, mais Olympio n’est pas dans un bon jour. On connaît ses problèmes de jarrets, notamment. Les autres chevaux en vue, sont Reado, l’allemand, qui s’est classé troisième à Hambourg, Passionnant, le champion de Michel Roussel, qui a régné sur les Critériums dans sa génération, Pacha du Ponthieu, Quartz, Rumia Grandchamp et le belge Keystone Beaufort. La distance est de 1 850 mètres, la course est le Grand Prix de la Férération du Nord, et le départ est donné à l’aide de l’autostart. Rumia Grandchamp est le plus rapide au départ. Quartz et Reado ne sont pas loin. Passionnant suit Ourasi. Rumia Grandchamp abdique dans le dernier tournant. Quartz accélère, alors que Reado cède complètement. Gougeon tente de réveiller Ourasi, qui s’intéresse enfin à la course. En finale, c’est lui qui passe le poteau en vainqueur et s’octoie par-dessus le marché le record de la piste en 1’13’’5 ! La deuxième place revient à distance à Pacha du Ponthieu, qui finit bien pour priver Quartz du prix de ses efforts.

Maintenant on en est sûr : Mack Lobell a du souci à se faire !

Ourasi – Mack Lobell : le choc des Titans

Ourasi – Mack Lobell : le choc des Titans

Le match du siècle prévu le 17 novembre 1988 en nocturne a failli ne pas avoir lieu.

Quelques jours avant la date prévue du départ d’Ourasi, le courtier Frédéric Sauque apprend que les dirigeants de Garden State Park n’ont pas le million de dollars promis pour la course, dont les 45 % pour le vainqueur. Il saute dans un avion, se rend à Cherry Hill et rencontre en tête à tête Robert J. Quigley, le directeur de l’hippodrome, qui lui avoue qu’il n’a que 83 000 dollars en caisse. On discute, on cherche une solution et on parvient finalement à réunir 400 000 dollars. Frédéric Sauque téléphone à Gougeon, qui répond qu’il n’est pas d’accord. Il ne déplacera pas son crack à moins de 600 000 dollars.

Garden State Park n’a pas vraiment besoin d’Ourasi ; autour de Mack Lobell, ils ont déjà réunis ses trois tombeurs, Napoletano, Sugarcane Hanover, Go Get Lost, avec en plus le suédois Callit, ex-champion du monde, la meilleure jument américaine Scenic Regal, l’italien Esotico Prad, le canadien No Sex Please, et l’ex-américain devenu finlandais Friendly Face.

Ils avaient même sollicité le meilleur trotteur de Russie actuel, le jeune Sorrento, âgé de trois ans comme No Sex Please, qui est aussi d’origine américaine en vérité, mais son entourage a répondu non, effrayé par la valeur de ses adversaires.

Il y a de quoi faire une sacrée course. Mais le public et aussi les médias réclament le match du siècle depuis longtemps annoncé, comme Tyson – Hagler ; on veut Ourasi – Mack Lobell !

Alors les éleveurs et les propriétaires, qui veulent voir le match du siècle, mettent la main à la patte et la somme est finalement réunie plutôt rapidement. Des Scandinaves ont même ajouté leurs deniers, tout en demandant de rester anonymes. Il y a peut-être des intéressés dans l’affaire. Napoletano a récemment été vendu en Suède, Sugarcane Hanover en Norvège, et des parts de Mack Lobell, environ un tiers du cheval, ont été achetées par des investisseurs suédois. Frédéric Sauque prévient Jean-René Gougeon le jeudi soir et c’est bientôt le branle-bas de combat à Chanteloup, car l’avion d’Ourasi doit décoller dans quelques heures !

 

Ourasi est content il aime les voyages et les changements dans sa vie. Le van de Léopold Verroken le conduit à l’aéroport d’Orly, et l’avion décolle pour New York où les contrôles de douane de l’aéroport ont été prévenus pour que les embarras administratifs habituels durent le moins longtemps possible. Tout est pour le mieux, Ourasi arrive rapidement à Garden State Park, où il est installé dans un barn de l’hippodrome, près du dernier virage, où seuls Philippe Renouf, le lad attitré, et Pierre Lhomme, le premier garçon (chef palefrenier), sont autorisés à le visiter pour cause de quarantaine.

Avec Ourasi sont les autres chevaux venus d’Europe, Callit, Napoletano, Esotico Prad, Friendly Face, Sugarcane Hanover. Les portes des boxes ont une ouverture par laquelle les chevaux sortent la tête, et se font si ils le veulent un brin de causette, mais ils ne sont pas trop bavards avant la course. Sugarcane Hanover, qui est le plus près d’Ourasi, évite même de le regarder.

Dans un autre pavillon sont les boxes des chevaux venus du continent, ceux qu’on peut visiter, Mack Lobell, le patron, Scenic Regal, la seule jument de la course, le minuscule Go Get Lost, le canadien No Sex Please, benjamin de la course, avec la jeune femme sympathique, qui lui sert de lad et donne volontiers des renseignements à ceux qui le veulent.

 

Garden State Park est comme une petite ville, avec un casino, une discothèque, des magasins alimentaires, des bars, des restaurants, un coiffeur, et l’on peut parier sur toutes les courses du continent grâce à des écrans et des diffusions spéciales, dans toutes les disciplines de course, trot, amble, galop, plat, obstacles. Il y a aussi un hall de vente aux enchères pour les yearlings, où l’on peut apprécier la maestria du plus célèbre des crieurs américains spécialisés dans la vente des chevaux. Le tout est très convivial, vivant, charmant, sympathique, on s’y sent bien.

 

La course a été baptisée (The) March of Dimes Trot, en l’honneur d'une œuvre caritative pour enfants handicapés, à laquelle seront reversés grâce à un sweepstakes une part des bénéfices de la recette.

Affiche du March of Dimes Trot

Affiche du March of Dimes Trot

Hippodrome de Garden State Park (le jour)

Hippodrome de Garden State Park (le jour)

Hippodrome de Garden State Park (la nuit)

Hippodrome de Garden State Park (la nuit)

Vente aux enchères à Garden State Park

Vente aux enchères à Garden State Park

Programme du March of Dimes Trot

Programme du March of Dimes Trot

Les trotteurs venus d’Europe s’entraînent chaque matin. Ourasi est dans une forme éblouissante, et heureux d’être là, il le fait savoir à sa manière, et Philippe Renouf, son lad assis à son sulky, peut s’en rendre compte et en témoigner.

 

Si vous voulez voir où réside habituellement Mack Lobell, il faut prendre la route de Freehold dans le New Jersey pendant 80 kilomètres environ. C’est un haras aménagé pour les trotteurs, appelé Gaitway Farm, et surnommé « la place du mile ». Mack Lobell est conforme aux chevaux de sa race, petit, noir, tout en muscles, docile, gentil ; il fait mentir son surnom de « Mighty Mack » (Mack les gros bras). Il n’est pas impressionnant en dehors des courses, par contre une fois derrière l’autostart, c’est une vraie formule 1. Je n’ai jamais vu de cheval débouler aussi vite derrière la voiture du départ lancé. C’est à peine croyable. En quelques secondes il a pris 400 mètres, et il fonce à fond la caisse s’en jamais ralentir pendant 1 609 mètres, la distance du mile. Mais l’avance qu’il a prise sur ses rivaux, lui permet de gagner aussi sur 2 000 mètres, voire 2 200 ! Mais pas plus. S’il veut gagner à Vincennes, il faudra qu’il revoit sa tactique de course. Il était prévu qu’il aille courir le Prix d’Amérique 1989, mais çà c’était avant sa rencontre avec Ourasi. Pour l’instant, « Mighty Mack » n’est pas au mieux de sa forme, il a beaucoup couru et il en a un peu mare, reconnaissent ses deux entraîneurs, Chuck Sylvester et Jerry Riordan. Son driver habituel, est un des plus célèbres aux USA et dans le monde, le moustachu John Campbell. On ne compte plus ses victoires. Son lad s’appelle Randy Beackman et il veille jalousement sur son champion. Il est aidé par une charmante demoiselle blonde, elle aussi lad de Mack Lobell.

 

Garden State Park à cet avantage d’être bien situé, pas très loin de chez Mack Lobell, donc, mais aussi d’Atlantic City, la Las Vegas de l’Est pour ceux qui veulent « flamber » leurs dollars, pas trop loin de Goshen, là où se trouve le musée du trot, pour ceux qui veulent enrichir leur culture en ce domaine, pas très loin de l’U.S.T.A., l’équivalent américain de la S.E.C.F., pour ceux qui veulent rendre une petite visite au sympathique Dean Hoffman, le rédacteur éditeur responsable de la publication de Hoof Beats et du Trot and Pacing Guide ; enfin, il y a aussi pas trop loin la célèbre piste du Red Mile à Lexington, Kentucky, où se court le fameux Kentucky Futurity. Il y en a des choses à voir pour les passionnés du trot.

 

Si vous vous baladez dans Garden State Park, durant la semaine de la course, vous pourrez rencontrer beaucoup de journalistes français, dont André Théron, Gérard Niford, José Covès, Frédéric Chevit, Henri Diacono, Homeric, beaucoup d’autres, hommes ou femmes, et aussi des artistes peintres comme Kim Hook, une charmante jeune femme blonde, qui a réalisé le tableau d’Ourasi aujourd’hui exposé à Vincennes. Il y a aussi George Eddy, l’Américain de France, qui va servir d’interprète pour Canal +, la chaîne française, qui va retransmettre la course en directe. L’ambiance est à la fête et dans le clan français, on croit ferme à la victoire d’Ourasi. Une « Pop Star » américaine très sexy a été invitée pour le bal du samedi soir et la soirée dansante. L’hippodrome par lui-même, avec ses trois tours, ressemble à un château dessiné par les décorateurs de Disneyland. Il n’y a pas moins de six étages et la piste de 1 609 mètres, ce qui est conforme aux exigences de Jean-René Gougeon, paraît immense. Elle est d’un gris vert le jour, mais change de nuance avec l’éclairage, car on court surtout en nocturnes.

Le suédois Callit, le champion du monde 1987, à Garden State Park

Le suédois Callit, le champion du monde 1987, à Garden State Park

L’italien Esotico Prad à Garden State Park

L’italien Esotico Prad à Garden State Park

Friendly Face et Johanna Soïnio à Garden State Park

Friendly Face et Johanna Soïnio à Garden State Park

Go Get Lost à Garden State Park

Go Get Lost à Garden State Park

Mack Lobell à Garden State Park

Mack Lobell à Garden State Park

Napoletano à Garden State Park

Napoletano à Garden State Park

No Sex Please et sa sympathique lad (ou lassie) canadienne à Garden State Park

No Sex Please et sa sympathique lad (ou lassie) canadienne à Garden State Park

Ourasi à Garden State Park

Ourasi à Garden State Park

Scenic Regal à Garden State Park

Scenic Regal à Garden State Park

Sugarcane Hanover à Garden State Park

Sugarcane Hanover à Garden State Park

Ourasi Prix d'Amérique 1987

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